Le prix Nobel de la paix 2023 a été attribué à l’activiste iranienne Narges Mohammadi pour « son combat contre l’oppression des femmes en Iran ». Âgée de 51 ans, elle a appris la nouvelle dans une prison de Téhéran où elle purge une peine de seize ans de prison, en raison de son activisme. Depuis sa création en 1901, 16 femmes ont reçu le prix Nobel de la paix. La dernière femme a avoir été récompensée pour son activisme est Nadia Murad, militante yézidie des droits de l’homme.
Narges Mohammadi : « Femme, vie, liberté »
Narges Mohammadi naît en 1972 en Iran. Elle se politise très tôt, et écrit, alors qu’elle étudie la physique à l’université, un article sur les droits des femmes, ce qui lui vaut d’être bannie de tous les clubs du campus par les autorités universitaires. Quoique détentrice d’un diplôme d’ingénieure, Narges Mohammadi abandonne la physique pour devenir journaliste. Elle écrit pour plusieurs journaux progressistes et réformistes, et publie un essai politique intitulé Les réformes, la stratégie et la tactique.
Narges Mohammadi épouse Taghi Rahmani, un journaliste également réformiste, en 1999. Il est arrêté par le gouvernement pour ses opinions politiques, et est condamné à 14 ans de prison pour ses écrits. À sa libération, en 2012, il décide de s’exiler en France, où il obtient l’asile. Narges Mohammadi décide, elle, de rester en Iran pour continuer son combat. Le couple, bien que séparé par la prison et la distance, continue de tenir. Taghi Rahmani et Narges Mohammadi ont deux fils, actuellement en France auprès de leur père.
Peu de temps après l’arrestation de son mari, Narges Mohammadi délaisse le journalisme pour se lancer à temps plein dans le militantisme, et devient vice-présidente du Defenders of Human Rights Center, une organisation iranienne de défense des droits des minorités, des femmes et des prisonniers politiques. En 2003, Shirin Ebadi, la dirigeante de l’association reçoit elle aussi le prix Nobel de la paix.
Distinguer le courage et la détermination des femmes en Iran
Le 6 octobre, la porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a déclaré, à l’annonce de la remise du prix Nobel, en évoquant les femmes iraniennes victimes d’un gouvernement répressif et patriarcal :
« Nous avons vu leur courage et leur détermination face aux représailles, aux intimidations, à la violence et aux détentions ».
Antonion Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a lui parlé d’un « hommage à toutes ces femmes qui se battent pour leurs droits au péril de leur liberté, de leur santé et même de leur vie », tandis que le gouvernement iranien a déclaré avoir constaté « que le comité Nobel a attribué le prix de la Paix à une personne qui a été reconnue coupable de violations répétées des lois et qui a commis des actes criminels. » et condamne ce qu’il nomme « une action partiale et politique ». Narges Mohammadi avait été condamnée en 2016 à 16 ans de prison pour son engagement. Sa peine a été allongée au mois d’août. Elle n’a pas vu son mari et ses deux enfants depuis huit ans.
Depuis plus d’un an, l’Iran est traversé par une crise politique et sociale, au coeur de laquelle se trouve un gouvernement théocratique, oppresseur, répressif et patriarcal, déclenché suite à la mort de Mahsa Amini, Iranienne de 22 ans arrêtée par la police des moeurs parce que son voile n’était « pas mis correctement ». Pour commémorer les un an de sa disparition, le 16 septembre 2022, Narges Mohammadi, ainsi que trois autres détenues, ont brûlé leur voile dans la cour de la prison où elles sont incarcérées. Depuis, le mouvement « Femme, vie, liberté », a été très durement réprimé : 551 manifestants, parmi lesquels 68 enfants et 49 femmes, ont été tués par les autorités selon l’ONG Iran Human Rights.
Narges Mohammadi, 19e femme prix Nobel de la paix
Narges Mohammadi est la 19e femme à obtenir un Nobel de la paix, depuis la création du prix en 1901. En 2018, c’était la militante irakienne Nadia Murad qui était récompensée pour son engagement en faveur de la minorité religieuse des yézidis, persécutés par l’État islamique. La première femme à recevoir la prestigieuse récompense en 1905, et avoir inspiré la création d’un prix Nobel de la paix, est Bertha von Suttner, militante pacifiste et féministe qui a lutté contre l’armement de l’Europe, neuf ans avant la Première guerre mondiale. En 1889, elle publia un essai choc, qui eu un véritable retentissement au sein des sociétés européennes : Bas les armes.
D’autres militantes pour la paix, connues du grand public, ont obtenu le prix Nobel de la paix, comme Malala Yousafzai, ou Aung San Suu Kyi. La première est la plus jeune des lauréates (17 ans au moment de la réception du prix) et a lutté pour l’éducation des filles au Pakistan, après avoir survécu à une balle dans la tête tirée par des Talibans alors qu’elle se rendait à l’école. La seconde, militante de la non-violence, défend la démocratie birmane, aux mains d’une junte militaire.
Cet article vous a plu ? Vous pouvez découvrir comment plusieurs femmes scientifiques se sont fait évincer de la course au Nobel sur notre site !
Victoria Lavelle
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent