Personnalité forte et avant-gardiste, Nellie Bly, de son vrai nom Elizabeth Jane Cochrane, a marqué l’histoire américaine. Pionnière du journalisme d’investigation et exploratrice téméraire, l’empreinte laissée par Nellie Bly transcende les frontières du pays de l’Oncle Sam. Au cœur d’une période caractérisée par la naissance du féminisme, la première femme grand reporter a suivi un parcours hors-norme avec audace et liberté.
Les débuts d’une femme engagée
Pittsburgh, 1885. Nellie Bly a 21 ans. Après le décès de son père et l’échec du second mariage de sa mère, la jeune femme s’occupe de la gestion d’un pensionnat pour subvenir à ses besoins. La perte de ses figures paternelles la pousse à gagner son indépendance assez tôt. Débrouillarde et intelligente, Nellie Bly déteste l’injustice.
Alors qu’elle lit le journal local, Nellie Bly s’offusque d’un article intitulé What Girls are Good For. Selon ce dernier, les femmes qui travaillent sont une « monstruosité ». Avec l’apparition du féminisme, le 19e siècle est un tournant majeur dans l’histoire des droits des femmes. Cependant, ces avancées ne plaisent pas à tout le monde, comme le constate Nellie Bly. Naturellement douée pour l’écriture, cette dernière n’hésite pas une seconde pour prendre la plume et adresser un courrier cinglant au Pittsburgh Dispatch.
À la lecture de sa critique, le rédacteur en chef remarque la justesse de ses propos et son style décoiffant. Ainsi, il lui offre de l’embaucher si elle lui propose un article de qualité. Nellie Bly saisit l’opportunité et inspirée par l’histoire de sa mère, elle écrit sur le divorce. Défi relevé haut la main.
Les enquêtes retentissantes de Nellie Bly, journaliste intrépide
C’est à ce moment-là qu’Elisabeth Jane Cochrane devient Nellie Bly, en référence à une chanson populaire de l’époque. Un pseudonyme nécessaire pour protéger une autrice aux textes incisifs. Nellie Bly commence aussitôt sa carrière de reporter avec l’objectif de mettre en lumière les injustices sociales.
Aux États-Unis, les femmes luttent pour l’amélioration des conditions professionnelles depuis les années 1830. Alors que la France limite la durée de travail à dix heures par jour en 1848, il faudra attendre 1938 pour que les États-Unis légifèrent. La loi sur le travail équitable – Fair Labor Standards Act –, impose enfin un salaire minimum pour les deux sexes et une limitation hebdomadaire du temps de travail.
En 1885, il y a donc beaucoup à dire. Nellie Bly commence sa première enquête : les conditions de travail des ouvrières dans une fabrique de conserves.
La naissance du journalisme d’investigation
Afin de réaliser un reportage au plus près de la réalité, Nellie Bly a l’idée de se faire embaucher à l’usine. Après quelques jours, elle dispose de suffisamment d’éléments pour dénoncer l’environnement déplorable dans lequel évolue les travailleuses. Les ventes du journal grimpent en flèche, mais les industriels n’apprécient pas cette mauvaise publicité et font pression sur la rédaction.
Reléguée aux rubriques de moindre importance, Nellie Bly va défier une nouvelle fois les règles de son époque. La journaliste décide de partir pour le Mexique où elle sera correspondante. Elle y dénonce notamment la corruption du gouvernement, mais son séjour en Amérique du sud prend fin au bout de six mois. Pour garantir sa sécurité, Nellie Bly doit rentrer chez elle.
Nouvelle vie et carrière à New-York
- Deux ans se sont écoulés depuis le Mexique. Nellie Bly stagne au Pittsburgh Dispatch. Consciente de son talent, la journaliste prend le chemin de New-York. Déterminée à réussir chez les plus grands, Nellie Bly contacte le New York World, journal réputé pour ses articles sensationnels et dirigé par Joseph Pulitzer. Avec obstination, elle décroche un entretien. À l’issue de ce dernier, un poste lui est proposé à une condition : s’infiltrer au New York City Lunatic Asylum et rédiger un article sur cet hôpital psychiatrique.
À l’époque, il était très difficile, voire impossible, d’accéder à ce type d’environnement. La seule solution était donc de se faire interner. Animée par la volonté de mener à bien sa mission, Nellie Bly s’installe dans une pension et commence à simuler la folie. Sur la décision d’un juge, elle intègre l’asile.
Le reportage légendaire de Nellie Bly
Ce que Nellie Bly va découvrir derrière les murs du New York City Lunatic Asylum dépasse l’entendement. La journaliste constate que les patientes subissent des maltraitances en tout genre : bains glacés, coups des infirmières, travail forcé… Pire, des femmes tout à fait saines d’esprit font partie des pensionnaires. Elles sont étrangères ou simplement pauvres et sans parents. L’endroit n’a rien d’un hôpital. Au lieu de prendre soin des patientes, l’institution maltraite ces dernières.
Choquée par ses découvertes, Nellie Bly sort de l’hôpital dix jours plus tard grâce à un avocat du New York World. Le désastre qui se déroule derrière les murs de l’asile ne restera pas dans les tiroirs. Avec ses révélations, Nellie Bly secoue l’opinion publique et déclenche une prise de conscience collective. Grâce à son enquête, des réformes majeures sont engagées pour les soins des maladies mentales.
Chroniqueuse et aventurière inarrêtable
- Nellie Bly est désormais une journaliste de renom. À l’occasion de l’inauguration des nouveaux bureaux du New York World, Joseph Pulitzer souhaite que la reporter écrive un article dont on parlera. La jeune femme décide alors de se challenger à nouveau. Elle propose de réaliser un tour du monde en moins de 80 jours. L’idée ? Battre le record de Phileas Fogg, personnage principal de l’œuvre de Jules Verne publiée en 1873.
Ce défi n’est pas sans risques et malgré le succès qu’une telle aventure peut apporter au journal, Joseph Pulitzer reste sceptique. Selon lui, une femme n’est pas faite pour réaliser un exploit de ce genre. Mais c’était sans compter sur la fougue de Nellie Bly, qui menace de mener à bien son projet pour un autre journal. Par peur de perdre sa protégée, Joseph Pulitzer finit par accepter.
Nellie Bly est déjà connue pour son audace et sa ténacité. Cet épisode va l’élever au rang de véritable héroïne. Les chroniques régulières qu’elle écrit pour documenter son épopée, confirment sont statut de journaliste aguerrie. En parallèle, elle incarne l’émancipation féminine dans toute sa splendeur. Partie le 14 novembre 1889 du New-Jersey, Nellie Bly devient la première femme à réaliser seule un tour du monde. Elle termine son périple en 72 jours et entre une fois de plus dans l’histoire.
Nellie Bly, figure emblématique de l’empowerment féminin
Au cours de sa vie, Nellie Bly connut également une carrière de cheffe d’entreprise. Puis, lors de la première guerre mondiale, elle se rendit dans les tranchées devenant ainsi la première correspondante de guerre des États-Unis. Elle continua de lutter pour une société meilleure jusqu’à la fin de sa vie.
Aux États-Unis, l’année 1848 marque le début du mouvement féministe avec l’événement de Seneca Falls, première convention pour les droits des femmes. Les actions de Nellie Bly s’inscrivent dans la seconde moitié du 19e siècle, une période charnière qui aboutit en 1920 à l’obtention du droit de vote des femmes. D’ailleurs, la journaliste milita activement pour celui-ci.
En brisant les préjugés de genre et en défiant les conventions de son époque, Nellie Bly ouvrit la voie à une nouvelle génération de femmes ambitieuses et indépendantes. Elle vécut sa vie avec bravoure, passion et intelligence, démontrant la capacité des femmes – à l’instar de celle des hommes – à réaliser des exploits extraordinaires.
Les siècles défilent, mais l’héritage de Nellie Bly reste une référence certaine dans le combat pour la justice et l’égalité. Au-delà de sa carrière journalistique, Nellie Bly incarne la persévérance et l’indépendance. Source d’inspiration, l’histoire de cette femme incroyable nous encourage à poursuivre nos rêves avec enthousiasme et sans aucune limite.
Chloé Duprat, pour Celles qui Osent
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