La reine des bandits devenue députée socialiste : Phoolan Devi, une légende indienne
Phoolan Devi, c’est l’incarnation même de la révolte. Celle qui a osé défier l’autorité et les dominants. Née femme et indienne de basse caste, son histoire est marquée par une profonde violence. Esclave, reine des bandits, élue du peuple… En seulement 37 ans, Phoolan Devi a eu 1000 vies. Ce qui lui vaut aujourd’hui d’être vénérée comme une déesse.
Découvrez le parcours exceptionnel de cette guerrière qui a refusé son sort et tracé sa voie, comme elle l’entendait !
Phoolan Devi, de martyre à gangsta
Phoolan naît en 1963 dans l’Uttar Pradesh, au nord de l’Inde. C’est une mallah, la caste des pêcheurs et des bateliers. Sa vie commence dans une pauvreté extrême et son rang social la prédestine à rester éternellement une victime.
Insurgée depuis son plus jeune âge, Phoolan ne supporte pas l’injustice et l’oppression des castes supérieures.
À 11 ans, elle est mariée de force à un cousin qui a au moins le double de son âge. Si l’usage veut que l’épouse quitte le foyer familial à 16 ans pour rejoindre son mari, ce dernier s’y oppose et l’emmène sans attendre. Battue, violée, réduite en esclavage, Phoolan tente de s’enfuir de nombreuses fois. Elle réussit finalement à échapper à cette union, mais sa condition sociale et les violences qu’elle a subi font d’elle une cible facile pour les abus.
Elle aide son père et travaille dur, mais pour les villageois, elle est considérée comme une paria. On lui interdit l’accès au puits, et en raison du déshonneur qu’elle inflige à sa famille, son père a davantage de difficultés à se faire payer.
Mais Phoolan se rebelle, refuse de se soumettre et menace les castes dominantes (notamment les thakurs).
Pour la punir, ces derniers l’encerclent et la tabassent avant de la livrer à la police.
Phoolan est arrêtée, et se retrouve à la merci de 12 policiers qui vont abuser d’elle pendant trois jours.
De retour chez elle, la nouvelle se répand et des hommes parcourent des kilomètres pour profiter de la mallah à disposition.
Durant des mois, les thakurs tentent de détruire l’âme de Phoolan ; cs agressions ne font que raviver le feu qui brûle dans les veines de la jeune fille.
À bout de patience, ils finissent par commanditer son enlèvement par des dacoïts, de redoutables brigands.
Destinée à devenir l’esclave sexuelle de ce groupe de bandits, elle est défendue par son premier lieutenant : Vikram, un mallah comme elle. Il tue le chef, prend la tête du gang, et forme Phoolan à la pratique des armes et au pillage.
Cheffe de gang des dacoïts et emblème féministe
En devenant une dacoït, Phoolan se trouve une nouvelle famille. Elle épouse Vikram, partage avec lui l’enfer qu’elle a vécu et son besoin de se faire justice.
C’est le début de sa vendetta, qui commence par son premier mari. Elle le retrouve, et lui ouvre le ventre devant les hommes du village pour les mettre en garde : voilà ce qui se passe quand on touche à une enfant. Il survivra, mais rejeté de tous.
Avec Phoolan aux commandes des dacoïts, la vocation des pillages prend une autre direction. Ce qu’ils volent aux riches thakurs, ils le redistribuent aux castes pauvres.
Véritables robins des bois indiens, le gang est glorifié et Phoolan idolâtrée. Dans tous les villages, les démunis acclament et encouragent les chefs des dacoïts.
Traquée par la police, Phoolan est l’ennemie publique numéro 1 et sa tête est mise à prix.
Malgré l’aide du petit peuple qui n’hésite pas à la protéger, elle finit par être capturée par un gang rival. Vikram et sa bande sont exécutés, Phoolan est entraînée dans un village où elle est livrée en pâture à tous les hommes. Pendant 23 jours, elle est battue et violée en public. Finalement, un prêtre brahmane la prend en pitié et l’aide à s’enfuir.
À 17 ans, elle est brisée… Mais sa rage la maintient debout. Elle fonde un nouveau gang, avec l’ambition de punir ses violeurs et de venger la mort de son amant.
En février 1981, une nouvelle se répand : Phoolan Devi, que l’on pensait disparue, a assassiné 23 thakurs. Un homme pour chaque jour de torture et de viol. Elle s’en prend par la suite à ce qui reste du gang rival responsable de l’assassinat de Vikram. Elle devient une véritable icône pour les femmes.
Épuisée d’être pourchassée par le gouvernement, Phoolan se rend et négocie des conditions : des terres pour ses parents, la garantie de sa sécurité, un procès équitable pour ses hommes, et une place dans la police pour son frère ! Ces dernières sont acceptées publiquement lors de la remise de ses armes, devant les portraits de Gandhi et de la déesse de la force Durga.
On lui promet également 10 ans de prison (elle en fera finalement 11 dans l’attente d’un procès).
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Devi, la bad girl du parlement indien
Soutenue par le parti socialiste, l’État abandonne les charges contre elle et la libère, à l’âge de 31 ans.
Déterminée à combattre les inégalités sociales, elle se consacre cette fois à la lutte non violente et se présente aux élections législatives. C’est ainsi qu’elle devient députée parlementaire en 1996. Elle fait adopter des lois de protection pour les personnes défavorisées et les femmes, et est même pressentie pour le prix Nobel de la paix !
Mais pendant ce temps, les familles de ses victimes entendent bien se venger d’elle. En rentrant d’une session parlementaire, elle reçoit une balle dans la tête devant son domicile à New Delhi, le 25 juillet 2001. Elle meurt à l’âge de 37 ans…
Sa mort provoque un soulèvement populaire. Le meurtre a été revendiqué par un thakur, qui sera condamné à perpétuité.
Une voix de la résistance s’est éteinte, mais son héritage perdure. Phoolan Devi demeure l’un des symboles les plus puissants du féminisme indien. Sans surprise, on retrouve sa bibliographie dessinée dans les « Culottées » de Pénélope Bagieu.
Une revanche incroyable pour l’enfant méprisée, illettrée, et torturée de toutes les façons possibles, qui a toujours conservé son profond désir de justice.
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Ludivine Huard pour Celles qui Osent
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