PMA et homoparentalité : témoignage d’une guerrière

Il y a plus de trois ans, j’ai commencé le combat de la PMA. Oui le combat.
Malgré le fait que je sois de nationalité française, résidente française et que je paie mes impôts en France, selon l’État et le gouvernement, je ne suis pas une ayant droit. Je me suis donc tournée vers l’Espagne, qui elle, accepte les femmes célibataires ou lesbiennes en couple et leur permet, moyennant une coquette somme d’argent, de leur donner accès à la Procréation Médicalement Assistée, PMA.

À quoi ressemble une PMA à l’étranger ?

Le début d’un parcours PMA, c’est tout d’abord une batterie de tests auxquels il faut se soumettre : tests sanguins, tests gynécologiques, etc… C’est aussi de nombreux allers-retours dans le pays, des rendez-vous avec un gynécologue «complaisant» en France, de nombreux appels téléphoniques avec la clinique, des formulaires à remplir et je vous en passe car la liste serait trop longue…
Suite aux premiers tests effectués, on m’annonce que mon taux AMH (il faut entendre par là, ma réserve ovocytaire) est anormalement bas et que je serais en « pré-ménopause ». J’ai 33 ans à l’époque. Je prends une claque.
Ma maman m’ayant eu à 42 ans, et parce qu’au final on en parle peu, je n’ai jamais imaginé pouvoir avoir des problèmes de fertilité.
Mes problèmes de fertilité sont-ils reconnus en France ? Puis-je enfin avoir accès à la PMA en France, comme toute autre femme ? La réponse est non, je n’y ai toujours pas droit. C’est alors le début de mon parcours PMA en Espagne. Je commence les traitements. Je stimule mon corps avec divers médicaments et injections d’hormones. Au total, je vais réaliser 5 tentatives d’insémination durant de longs mois. A chaque tentative, le résultat du test de grossesse est négatif.

Je n’arrive pas à tomber enceinte

Bien que je sois extrêmement entourée de ma famille et de mes amis, je dois vivre ces échecs seule. Et encore une fois, l’État ne me reconnaît pas. Pas de suivi psychologique, pas de prise en charge pour m’aider à traverser ce processus douloureux autant physiquement que moralement. Heureusement pour moi, j’ai rencontré sur la route l’amour, qui m’a aidé et soutenu tout au long de ce processus qui me paraissait sans fin. Plus le temps passe, plus ma réserve ovocytaire baisse. C’est une véritable course contre la montre. La clinique qui me suit m’annonce que, selon eux, je n’arriverai pas à tomber enceinte par insémination et que je dois penser à la FIV (Fécondation In Vitro). De manière abrupte, ils m’orientent directement vers une FIV avec double don (don de sperme et don d’ovocyte) car ils ne pensent pas que le peu d’ovocytes que je produis pourra donner un jour la vie…
C’est une énième annonce dévastatrice pour moi. Cela signifie que je dois abandonner l’idée de transmettre mes gènes à mon futur enfant. Cela me renvoie à mon incapacité d’enfanter et c’est une nouvelle porte qui se ferme devant moi.
Je me sens épuisée, au bout du rouleau. Vais-je un jour arriver à tomber enceinte ? Je ne peux m’y résoudre. Je décide donc de demander l’avis d’autres médecins ; ce qui m’amène à changer de clinique. Ce nouvel établissement me conseille également de choisir le protocole FIV, mais cette fois-ci, elle m’invite à faire une première tentative avec mes propres ovocytes. Selon elle, il est trop tôt pour baisser les bras et passer au double don. Alors je m’arme de courage, de force et de patience et je décide de prendre à bras le corps ce nouveau protocole dans lequel je fonde tous mes espoirs.

Go pour la première FIV

Une nouvelle série d’examens, des piqûres pour la stimulation ovarienne tous les jours pendant 15 à 30 jours, des horaires contraignants, des échographies vaginales et des prises de sang toutes les 48h… J’ai la chance de travailler à mon compte et de pouvoir aménager mon planning en fonction de toutes ces contraintes, mais je me demande sincèrement comment les femmes salariées parviennent à mener tout cela de front… Tous les deux jours, on vérifie comment mon taux d’hormones évolue et combien d’ovocytes se forment suite à la stimulation. Et pour moi, le constat est extrêmement difficile. Mon corps, ayant une faible réserve ovarienne, ne donne que très peu d’ovocytes : 2, 3 parfois 4, mais jamais au-delà…
Il faut savoir qu’avec le traitement de stimulation, une femme peut faire en moyenne entre 15 et 20 ovocytes par cycle. L’avantage de faire beaucoup d’ovocytes est de pouvoir en congeler. En effet, tous les ovocytes ne donnent pas forcément des embryons une fois le sperme injecté dedans. Nombreux sont ceux qui meurent une fois sortis du corps de la patiente, d’autres ne donneront pas d’embryons ou encore les embryons se développeront mal… Tout ça pour dire que 20 ovocytes ne donnent pas forcément 20 chances de porter la vie. Alors imaginez lorsque vous n’en produisez que 2 ou 3…
En France, il faut au moins 3 ovocytes pour qu’on accepte de vous les prélever. En Espagne, vous restez libre de choisir, parce que vous payez. Mais le prix à payer est lourd. Au niveau tarifaire premièrement, mais aussi parce que vous allez subir une anesthésie générale pour la ponction, en plus de toutes les injections que votre corps a déjà reçues…

Mon parcours FIV en quelques lignes

  • 1ère FIV ➡ 2 embryons implantés ➡ grossesse et fausse couche
  •  2ème FIV ➡ 1 embryon congelé implanté ➡ échec
  •  3ème FIV ➡ stoppée en cours de route car il n’y avait pas assez d’ovocyte suite à la stimulation ➡ insémination classique à la place ➡ échec
  •  4ème FIV (juste avant noël) ➡ 3 embryons implantés ➡ échec
Je finis 2019 en dépression. Je n’ai plus la force pour me relever de tous ces échecs. Je ne comprends pas pourquoi ça ne marche pas. J’ai énormément lu sur le sujet et essayé tout ce que je pouvais trouver : psychologue, ostéopathe, énergéticien, massage, acupuncture, diététique, méditation, etc…
J’ai essayé de travailler sur mon corps et sur mon esprit, de me motiver et d’y croire et également d’accepter et de lâcher prise. Quand on est dans ce processus, on entend tout et son contraire. Tout le monde veut bien faire et y va de son conseil, mais il arrive un moment où on ne peut plus rien entendre, où on tombe plus bas chaque jour en pensant qu’on ne se relèvera jamais…
Il y a un an, j’en étais là.

Et puis, l’ultime chance de tomber enceinte !

La clinique est d’accord pour tenter un tout dernier essai avec mes ovocytes, mais elle a peu d’espoir. Il faut sérieusement que j’envisage la FIV avec double don pour voir mes chances de procréer augmentées. L’horloge biologique avance, j’ai maintenant 36 ans. Février 2020, c’est la FIV de la dernière chance. Cette fois, le traitement est plus long, il durera un mois avec jusqu’à 2 piqûres par jour. J’essaie d’y croire, mais après 3 ans de combat et d’échecs successifs, cela devient vraiment difficile… Je parviens tout de même à avoir 4 ovocytes. Mars 2020, nous partons pour l’Espagne, remplies d’espoir.
Lors de l’anesthésie générale (la troisième en moins de 12 mois !), les docteurs arrivent à récupérer les 4 ovocytes qu’ils inséminent directement. Il faudra attendre 24h pour savoir enfin combien d’embryons se sont créés. J’en ai 3.
Comme à chaque fois, je décide de me faire inséminer les 3 embryons afin d’augmenter mes chances de tomber enceinte.
L’implantation de ces 3 embryons se passent 3 jours après la ponction ovocytaire. Durant ce laps de temps, il y a beaucoup de stress car à tout moment les embryons peuvent arrêter de se développer en couveuse.

PMA pour parents homosexuels en Espagne

Après un séjour de 5 jours en Espagne (en sachant qu’il faut arriver 1 jour avant la ponction et repartir 1 jour après l’implantation des embryons), nous rentrons en France dans une ambiance particulière, puisque seulement quelques jours après notre “séjour”, les frontières avec l’Espagne seront fermées à cause de la propagation du Covid-19. Nous avons eu de la chance, nous sommes passées entre les gouttes. Je ne cesse de penser à toutes ces femmes qui ont subi tout le protocole FIV pendant 15 à 30 jours et à qui on a annoncé qu’elles ne pourront pas aller jusqu’au bout, car la clinique doit fermer ses portes pour raison sanitaire. Quelle frustration !
Nous mettons tellement d’énergie, de cœur et d’espoir à réaliser tout cela.
C’est inimaginable tant qu’on n’y est pas passé soi-même.
Si j’écris ce texte aujourd’hui, c’est que j’ai eu la chance d’avoir une suite heureuse.
En plein confinement, 14 jours après avoir accueilli ces 3 embryons, pour la première fois de ma vie, le test pipi indique : ENCEINTE.
C’est fou. Une montée d’excitation, d’adrénaline de suite canalisée par le cerveau « attention c’est peut-être un faux positif ! Et je peux encore faire une fausse couche… »
Un vrai ascenseur émotionnel. On a qu’une hâte, partir au labo pour faire un test sanguin qui révélera le taux d’HCG. On attend encore pendant des heures pour avoir le résultat, et c’est positif. Cri de soulagement. Il faut encore attendre l’échographie pour vérifier que l’œuf est plein, et que le cœur bat bien. Encore 2 longues semaines à attendre…
Aujourd’hui, cela fait 8 mois et demi que je suis enceinte et bébé va pointer le bout de son nez d’ici quelques jours…. Le bonheur d’enfanter n’efface pas toutes les douleurs vécues liées à ces échecs, et à ce combat.
Cela me tenait à cœur de me livrer à vous aujourd’hui. Je souhaite vous partager mon histoire, qui est peut-être l’histoire de femmes que vous côtoyez tous les jours sans le savoir. J’espère que ce témoignage pourra faire avancer le combat de la PMA pour toutes en France, en faisant prendre conscience au plus grand nombre de ce que vivent de nombreuses femmes.
Merci d’avoir pris le temps de lire ce texte jusqu’au bout et de contribuer à cette prise de conscience ????

Elsa

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