Amália Rodrigues, d’enfant pauvre à Reine du fado

Chanteuse incontournable du Portugal dès le début des années 40, Amália Rodrigues reste à ce jour la fadiste la plus célèbre au monde. Véritable ambassadrice de la culture portugaise, elle est la première à avoir popularisé à l’étranger le fado, ce chant mélancolique imprégné de nostalgie. Amália en quelques chiffres, c’est : 3 tentatives de suicide, 60 ans de carrière, 170 disques édités, une douzaine de films et bien plus encore. Sortie grandie d’une enfance pas toute rose, voici le portrait d’une petite fille timide et pauvre qui a osé devenir une femme d’exception : la Reine du fado.

D’enfant pauvre à future icône de la chanson

Naissance dans une famille modeste du Portugal

À l’image du genre musical qu’elle interprètera toute sa vie, Amália da Piedade Rebordão Rodrigues arrive au monde dans un quartier populaire de Lisbonne. Elle devient la cinquième enfant d’une famille nombreuse parmi neuf frères et soeurs. Sa date d’anniversaire ? Selon les documents officiels : le 23 juillet 1920. Mais chez elle, pour des raisons économiques, on dit plutôt qu’il s’agit du 1er juillet.

La famille Rodrigues est d’origine modeste et réside à 300 km de la capitale dans une ville de province nommée Fundão. Le père d’Amália y est cordonnier et trompettiste. Si l’année 1920 marque la naissance de la future star de la chanson, elle est le début d’une crise financière sans précédent au Portugal. Dans ce contexte, la famille part s’installer à Lisbonne avec l’espoir de mieux vivre. Puis, alors qu’Amália a 14 mois, ses parents, Albertino de Jesus Rodrigues et Lucinda da Piedade Rebordão, sont sans-emploi et contraints de repartir. Ils abandonnent la capitale où ils laissent leur fille au soin de ses grands-parents maternels pendant 14 ans.

Au travail dès 12 ans dans la capitale

Amália reçoit une éducation très stricte et religieuse. Pourtant, elle ne manque pas d’amour, et l’union avec ses grands-parents est forte. À l’âge de 9 ans, la petite fille rejoint les bancs de l’école pour la première fois. Faute de moyens, elle n’y reste que trois ans. Comme beaucoup d’enfants portugais sans-le-sou à l’époque, elle quitte le système scolaire pour aller travailler. À 12 ans, elle se déniche un boulot dans une entreprise de broderie qu’elle abandonne rapidement. Pendant un temps, elle devient vendeuse de souvenirs puis se retrouve ouvrière dans une usine de sucrerie où sa mission consiste à emballer des gâteaux.

Des années plus tard, Amália a 15 ans et vend des fruits sur le port de Lisbonne avec sa petite soeur Céleste. Pendant son travail, elle pousse la chansonnette, créant un attroupement autour d’elles. C’est ainsi qu’on la remarque, et qu’elle est choisie pour chanter comme soliste dans un défilé de quartier en 1936.

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Amália : des tentatives de suicide à l’éclosion d’un talent

Le défilé est un grand succès. Un homme l’approche pour lui parler d’un concours de chant qui aura bientôt lieu à Lisbonne. Il l’encourage, ainsi que ses camarades présentes ce jour-là, à y participer. Premier coup dur : ses concurrentes la voient comme une menace et refusent qu’elle tente sa chance au concours. Pour autant, Amália parvient à encaisser ce rejet collectif. En revanche, il lui est plus difficile d’accepter une remarque déplacée de sa mère à son sujet, et elle tente de se suicider.

Après les bas, la jeune chanteuse connait les hauts lorsqu’elle reprend courage pour concourir et tombe amoureuse. L’élu s’appelle Francisco da Cruz. Il a 23 ans, est guitariste et devient son mari deux ans plus tard. La relation semble idyllique, mais elle est surtout passionnelle et compliquée, au point que celui-ci finit par vouloir le divorce. Cette nouvelle est insupportable pour Amália qui essaye de mettre fin à ses jours en avalant de la mort aux rats. C’est sa troisième tentative de suicide. En effet, à seulement 12 ans, elle avait déjà tenté de se donner la mort. Pourtant, malgré ses débuts difficiles, la jeune fille a une bonne étoile au-dessus de sa tête et parvient à rebondir. Elle n’est plus qu’à un pas de devenir l’artiste que tout le monde s’arrache.

Amália Rodrigues, Reine du fado à travers le monde

Une voix hors du commun née pour chanter

Par le passé, Amália était une petite fille timide. À ses débuts, elle ne chantait que devant son grand-père et ses voisins. Mais, c’est à l’intérieur de ce cercle sécurisant qu’elle prend très vite conscience d’avoir une voix hors du commun. C’est pourquoi, des années plus tard, elle ose chanter en publique sur les planches de son école primaire, puis, sur le port pendant ses heures de travail. Pour autant, le véritable succès arrive alors qu’elle n’a que 19 ans, lorsqu’elle auditionne dans la maison de fado la plus connue de Lisbonne : o Retiro da Severa. Ce jour là, Amália est envoutante, sa voix vibre, transporte, émeu jusqu’au fond des tripes. Le jury est conquis, et chanter devient, dès lors, son seul métier.

Rapidement en tête d’affiche, Àmalia Rodrigues enchaîne les représentations dans les clubs les plus réputés de la ville comme le Solar da Alegria, et le Café Luso. Elle est la première à toucher des cachets qui atteignent des sommes jamais payées auparavant à un chanteur de fado. Dès cet instant, la jeune diva est reconnue par les plus grands comme étant une fadiste professionnelle, et se voit honorée d’un prestigieux surnom, celui de « La Reine du fado ».

L’icône de la chanson portugaise est reconnaissable entre mille par sa voix, mais pas seulement. À chaque concert, elle porte systématiquement une robe noire, ainsi qu’un châle, et se place devant les guitaristes. Sa personnalité révolutionne complètement l’image du Fado. En amoureuse de la poésie, Amália ne se contente pas seulement de chanter. Elle rédige de nombreux poèmes qu’elle interprète sur scène et édite dans ses disques. Ses succès musicaux flamboyants lui ouvrent des portes à l’étranger. La Reine du fado fait l’unanimité partout où elle va ! Tout au long de sa carrière, la star voyage sur les cinq continents et donne des représentations qui cartonnent au-delà des communautés d’émigrants.

Succès à l’étranger d’une chanteuse populaire du Portugal

La fadiste chante en France en 1949, puis à Londres en 1952, et conquis l’outre-Atlantique en se produisant à New York dans le club « la Vie en Rose », où elle reste à l’affiche pendant 14 semaines. Elle devient, par la suite, la première artiste portugaise représentée à la télévision américaine dans l’émission d’Eddie Fisher. À Paris, on compte pas moins de huit représentations à l’Olympia. Télévision, cinéma, théâtre… du Brésil au Japon en passant par Moscou, le monde lui tend les bras !

En 1940, elle obtient un premier rôle au théâtre avec la pièce « Ora Vai Tu! ». Côté cinéma, il faudra patienter sept ans pour la voir apparaître sur le grand écran, dans le film « Capas Negras » d’Armando Miranda. En France, on la découvrira pour la première fois en 1955 avec le film d’Henri Verneuil dans « Les Amants du Tage », dans lequel elle interprète la chanson « Barco Negro ». La même année, elle tourne au Mexique au côté d’une autre grande voix : Édith Piaf, dans un film intitulé « Musica de Siempre ». Sa carrière est riche et les propositions nombreuses. Au point qu’elle se permet de refuser les invitations de la 20th Century Fox pour jouer des films hollywoodien, souhaitant davantage se concentrer sur le cinéma portugais.

Artiste aux nombreux talents et à la carrière bien remplie, Amália Rodrigues est plusieurs fois distinguée et décorée par le Portugal, la France et l’Espagne au cours de sa vie. Celle que l’on compare parfois à Maria Callas, reçoit par trois fois le prix MIDEM (Marché international du disque et de l’édition musicale) et égale les Beatles. Le 6 octobre 1999, sa disparition provoque un ras de marée dans son pays qui déclare un deuil national de trois jours. D’abord enterrée au cimetière des Prazeres, Amália Rodrigues devient en 2008, la première femme transférée au Panthéon national de Lisbonne. Reine de toute une vie, elle reste à ce jour la référence incontournable du Portugal, qu’il est possible de découvrir dans une exposition permanente au musée du fado.

Amandine Jandrieu, pour Celles-qui-osent

sources :

https://www.museudofado.pt/fado/personalidade/amalia-rodrigues

https://fr.wikipedia.org/wiki/Amália_Rodrigues#Famille,_enfance_et_mariages

http://www.portugalmania.com/culture/amalia/amalia-rodrigues.htm

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