Rencontre avec Ceeloo, une illustratrice qui a du pep’s !

Ne dérangez pas Cécile à neuf heures du matin, c’est l’heure de son café-clope-épisode d’Amour, Gloire et Beauté. Après, elle s’attable devant son ordinateur, ouvre ses logiciels de créations graphiques et laisse exprimer son talent. Illustratrice, elle travaille actuellement au sein de sa propre agence de communication à Orléans, Hissez haut, qui met en avant le patrimoine de la ville ! Rencontre avec Ceeloo, une artiste qui ose, malgré les obstacles, vivre de sa passion : la création.

Le parcours atypique d’une ARTISTE orléanaise

De l’architecture d’intérieure…

Originaire du Loir-et-Cher, Cécile, surnommée Ceeloo, aime les poupées et le piano. À 9 ans, elle est acceptée au conservatoire, mais sa mère refuse de la laisser partir si jeune. Fayote insupportable, fillette ultra sérieuse et disciplinée, Cécile vit une enfance protégée. Élevée par des parents « atypiques », elle reçoit des valeurs à la fois populaires et bourgeoises. Enfant, Cécile est plus absorbée par la Bible que par les crayons à dessin. Elle se retrouve dans les valeurs véhiculées par la religion catholique. Comme tous les fidèles, chaque dimanche, elle va prier à l’église. « J’adorais vraiment chanter les cantiques, l’orgue des messes me transportait ». Elle projette même de rentrer dans les ordres pour devenir bonne sœur. Comme rien ne se passe jamais comme prévu, elle rencontre un beau prince charmant, qui deviendra son mari. Forcément, cela change ses plans de carrière. Intéressée par l’art, elle choisit un bac artistique, le F12 (aujourd’hui appelé bac STI arts appliqués) sur Tours. Étudiante en architecture à UP9, unité pédagogique des Beaux-Arts de Paris, elle part rapidement vivre avec son âme sœur à Orléans. La jeune femme « fait les choses dans l’ordre ». Il l’aime, elle l’aime. Elle se fiance à 20 ans, se marie à 22 et accouche de leur premier enfant à 25. « J’ai tout fait comme il fallait, pour l’époque. J’avais le syndrome de la femme parfaite et je croyais vraiment aspirer à une vie comme celle de Laura dans la petite maison dans la prairie ». Bonne élève, diplômée du DEFA Paris La Seine (équivalent d’un DEUG d’architecture), elle rêve d’être décoratrice d’intérieur et intègre donc l’école Supérieure des Arts modernes de (ESAM). Un de ses professeurs, M. Benitte, architecte, l’embauche en alternance pour travailler dans son « bureau d’idées ». Mais BOOM ! C’est le krach immobilier et Cécile, fatalement, est licenciée.

… à l’illustration textile pour enfants

Elle a la chance d’avoir un chouette binôme « une super frangine, Virginie, avec qui je partage tout. C’est ma partenaire depuis toujours, dans la vie comme dans la création. » Complètement opposées, mais ultra complémentaires, elles ont travaillé ensemble pendant vingt ans. En effet, grâce à sa sœur Virginie, diplômée de l’ESMOD et assistante au pôle création au sein de Petit Bateau, Cécile commence à réaliser des illustrations pour les collections de vêtements pour enfants. Elle travaille sur des motifs de sous-vêtements, des petites culottes aux broderies de layette. Elle a une « patte graphique forte », reconnaissable, qui plaît. En 2004, les deux sœurs investissent dans un stand pour le salon Fairtex, qui les propulsent dans l’univers de la création textile pour enfants, un monde très concurrentiel. Elles se mettent alors à travailler pour de très nombreuses marques françaises : Petit Bateau, Clayeux, Coudémaille, Phildar, Natalys, DPAM, Petit Boy, Contre vents et marées, Carrefour, Leclerc… Sa sœur crée les patrons des modèles, Cécile les illustrations : ainsi, elles vendent leurs créations « clés en main ». Bien sûr, il y a quelques petites erreurs de parcours, comme la fois où elles font fabriquer des sweats sans pressions au col… Impossible de faire passer la tête d’un bébé dans ce vêtement !

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Quand Ceeloo promeut l’artisanat féminin et la création libre

Malheureusement, en 2010, le marché évolue, les clients se font plus rares. « On a connu les fermetures des usines de fabrication ou les délocalisations à la chaîne vers des pays avec une main d’oeuvre à bas coûts » Peu à peu, son confort de travail se dégrade, les cadences deviennent folles, et il n’y a plus aucun respect des facturations. Il faut attendre parfois jusqu’à six mois avant d’être payé. Son salaire mensuel avoisine 10 000 euros nets, mais elle passe 12 h par jour à produire des dessins de moins en moins créatifs. En effet, les groupes comme Carrefour sont obligés de s’accommoder à l’international (Amérique, Asie, Moyen-Orient…), si bien que les créations sont extrêmement limitées, certaines formes ou couleurs sont boudées. Dessiner la mode à l’échelle mondiale, cela implique énormément de contraintes stylistiques. Épuisée, elle démissionne. Elle rencontre alors la fille d’une amie, qui sait coudre et a envie de créer. Ensemble, elles lancent une ligne de vêtements évolutifs pour enfants. Le concept est innovant : les habits « chrysalides » évoluent en même temps que l’enfant qui le porte. La robe en 2 ans devient une blouse à 4 ans puis un top à 6 ans. Ce n’est pas un business rentable. Pour garder le moral, parce qu’elle adore initier des projets et de nouvelles choses, l’illustratrice orléanaise crée « Ceeloo et les fabuleuses », un petit collectif de femmes artisans douées de leurs mains dans des domaines variés. Ceeloo fait un dessin, puis chacune l’interprète à sa manière, dans sa technique : broderie sur porcelaine, poupée, coussin, sacs, papeterie… Ainsi, les Fabuleuses, pendant plus de deux ans, organisent des ventes privées dans des lieux confidentiels d’Orléans, pour valoriser leur artisanat. « Là, je m’éclate… jusqu’à la crise de la quarantaine : déprime, motivation en berne, ras-le-bol d’un métier devenu trop routinier. J’ose tout lâcher, car j’ai vraiment BESOIN de faire ce que j’aime. Je n’arrive plus à produire comme avant. Mon mari ne l’entend pas ». La dessinatrice investit alors toute son énergie et ses économies dans un lieu expérimental de partage et de « création libre », à Orléans dans le LABO (Local A But Original). L’endroit propose des ateliers originaux aux enfants comme aux adultes, mélangeant expression graphique, volume, photographie, littérature, cuisine, goûter d’anniversaire créatif. Les recettes sont maigres, elle est contrainte de fermer à peine un an et demi plus tard. À cause de sa dette colossale de 150 000 euros, elle doit liquider sa structure. Elle est ensuite radiée de la maison des artistes. Prise dans l’engrenage des prêts à la consommation, elle côtoie les huissiers, les banquiers, puis les avocats, pour une procédure de divorce. C’est une faillite personnelle complète. Re-BOOM ! La liberté a visiblement un prix.

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Hissez-Haut : son agence de communication qui valorise le patrimoine orléanais

À 45 ans, elle se retrouve seule, avec ses trois enfants, sans revenus, dans 50 m2. Elle devient serveuse dans les bars et les restaurants, mais étonnamment cela lui permet de garder la tête hors de l’eau. Le contact avec les gens lui redonne confiance en elle. Petit à petit, elle remonte la pente, se ressoude avec ses enfants, et tente d’oublier son immense culpabilité de les avoir embarqués dans ce fiasco. Des copines lui font des pleins de course de temps en temps. Vraiment solidaires les nanas. « Ces trois années de galère sont financières, certes, mais socialement, je me suis enrichie. Je sais enfin qui je suis et ce que je veux. Être libre de vivre de ma passion : la création. Pas celle dictée par des donneurs d’ordre, mais celle que j’ai besoin de laisser exprimer. L’argent ne fait pas le bonheur. Certes, il y contribue, mais mes besoins ont considérablement diminué. » Passionnée, elle continue de faire de petites expos-vente chez elle. L’argent récolté lui permet d’acheter des cadeaux de Noël à ses enfants, c’est important. En 2017, grâce à un ami, elle est embauchée par Éric Martinez, graphiste designer issu de l’Institut d’Arts Visuels d’Orléans (IAV), « un touche-à-tout doué et passionné ». Un an plus tard, à un enterrement, elle retrouve Olivier, un ami d’enfance de Vendôme. La veillée funéraire se transforme en boum pour ados attardés et son idylle avec lui commence. Ensemble, ils créent un nouveau business en région Centre : Hissez Haut Créateur d’Images, une agence de communication-graphisme-illustration. Des amis lui donnent un conseil : « Tu devrais faire des images pour la ville d’Orléans, pour valoriser le patrimoine. » Super idée. Grâce au bouche-à-oreille et à son talent, le concept se développe vite. Pour des chambres d’hôtel, elle imagine d’immenses panneaux en toile tendue, et des dessins panoramiques gigantesques de la ville. Elle collabore avec le Musée de l’Affiche de Nantes pour une affiche vintage en série limitée. L’espace Aubade a récemment mis en valeur son travail dans sa salle d’exposition. Sur son site, ou lors d’expos-ventes éphémères, elle vend des objets personnalisés, des créations numérotées avec des tirages n’excédant pas 100 exemplaires. Elle réalise aussi des avatars à partir de photos en portrait ou dessine des façades d’artisans pour des cadres illustrés uniques et originaux. ceeloo-illustration-image-femme-moderne-hissez-haut

Désormais, Ceeloo est apaisée. “J’ose dire ce que je pense, comme je le ressens. J’ose être moi, imparfaite. J’ose tout, même dire à ma comptable que son logo est à chier. ” Voilà, c’est dit. Sans les formes, mais à quoi bon cacher sa spontanéité naturelle après tout ?! Parce qu’une image vaut 1000 mots, Ceeloo peut donner du style et du pep’s à tous vos visuels. Si vous voulez faire le plein de cadeaux originaux pour les fêtes, mettez les voiles par ici !

Violaine B.

En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent

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