Aujourd’hui, la France compte de multiples réseaux de femmes créatrices d’entreprises. Elles sont de plus en plus nombreuses à se retrouver pour échanger, dialoguer et avancer ensemble pour construire leur projet. On est ainsi passé d’environ 200 réseaux en 2007 à près de 500 aujourd’hui.
Mais ces différentes structures sont en fait très récentes. Durant toute la première partie du XXe siècle, les clubs professionnels étaient en effet quasi exclusivement masculins. Alors, comment et pourquoi un réseau professionnel féminin est-il né ? Qui est cette femme, Yvonne Edmond-Foinant qui a osé lancer en France le tout premier réseau de femmes entrepreneuses malgré les contraintes et les obstacles d’après-guerre ?
Yvonne Edmond-Foinant : une femme qui a marqué le monde industriel pendant la Première Guerre mondiale
Née en 1892, Yvonne-Edmond-Foinant est mariée à un ingénieur des Arts et Métiers. Celui-ci ouvre à Charleville-Mézières, en 1913, une usine de fabrication de clés de serrage.
Alors que la Première Guerre mondiale éclate, son mari mobilisé, Yvonne prend la direction de l’entreprise à seulement 22 ans, dans un environnement industriel alors très peu féminin. Elle devient maître des forges jusqu’au retour de son mari. Elle exerce par la suite des fonctions de directrice commerciale jusqu’en 1928, date du décès de son conjoint.
L’usine se développe à un rythme soutenu dans les années 30 et devient ainsi l’un des principaux sites fournisseurs pour l’industrie d’armement française avant la Seconde Guerre mondiale.
Une ascension fulgurante dans les instances économiques de l’époque
Après la mort de son mari, Yvonne reprend la direction de l’entreprise. Elle devient gérante statutaire de l’établissement. À cette époque, malgré la forte implication des femmes dans l’économie d’après-guerre, les réseaux de femmes entrepreneuses sont toujours inexistants. Pourtant, outre-Atlantique, un mouvement précurseur existe : la Fédération nationale des femmes d’affaires créée en 1919 par l’avocate Lena Madesin Phillips. Cette organisation, qui deviendra au début des années 30, la Fédération internationale des femmes d’affaires et professionnelles a sans nul doute rencontré une écoute positive auprès d’Yvonne Edmond-Foinant.
Petit à petit, Yvonne va alors s’employer à prendre sa place dans des instances de gouvernance et de décision jusqu’alors réservées aux hommes, et ce, dans un secteur encore aujourd’hui peu féminisé. En 1938, elle devient ainsi élue déléguée à la Confédération générale du patronat français. Elle y évoluera ensuite en tant que conseillère au commerce extérieur. En 1941, elle est nommée vice-présidente du syndicat d’outillage à main.
1945 : création d’un des tout premiers réseaux de femmes entrepreneuses
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, un événement décisif va pousser Yvonne Edmond-Foinant à s’engager encore plus pour que les femmes soient représentées dans la sphère économique. En effet, alors qu’elle souhaite postuler à la Chambre de commerce et d’industrie, on lui demande, pour entériner sa candidature, de présenter son livret militaire. Outrée, elle s’insurgera en public contre les discriminations subies par les femmes cheffes d’entreprises : celles qui ont largement participé à la vie économique pendant et après la guerre se voient de nouveau reléguées à l’arrière-plan.
Finalement, première femme à être élue à la Chambre de commerce et d’industrie, Yvonne-Edmond Foinant va créer en 1945, l’association Femmes chefs d’entreprises, un réseau professionnel féminin, afin de faire prendre conscience des inégalités existantes entre les hommes et les femmes au niveau de la sphère économique.
Son objectif : rendre visibles les femmes dirigeantes d’entreprises
C’est ainsi que Femmes chefs d’entreprises (FCE) va se donner pour mission de promouvoir l’égalité homme-femme dans le domaine économique, que ce soit en termes de représentation ou d’égalité de traitement de salaire. Pour y parvenir, l’association va militer pour que les femmes soient davantage présentes dans les différentes instances qui comptent : organisations patronales, groupes professionnels, etc. La phrase fétiche d’Yvonne résume à elle seule son ambition : « Seules nous sommes invisibles, ensemble nous sommes invincibles ».
Adhérer à l’association Femmes chefs d’entreprises va permettre à celles qui dirigent des entreprises d’être à l’écoute de nouvelles perspectives de développement et d’affaires. Grâce à ce réseau professionnel féminin, ces dirigeantes vont alors pouvoir développer des opportunités lors de rencontres professionnelles ou de salons organisés par les différentes instances.
Un réseau de femmes entrepreneuses qui devient international
À peine deux ans après sa création, le réseau pour les femmes entrepreneuses devient européen. En pleine période d’après-guerre, sa vocation s’élargit à la promotion de la paix et au développement de la coopération économique. En 1956, la fédération des femmes chefs d’entreprises devient un réseau mondial avec l’ouverture d’une section au Canada. Le réseau s’étend aujourd’hui sur plus de 60 pays.
Femmes chefs d’entreprises dispose désormais d’un statut consultatif auprès des Nations Unies et du Conseil de l’Europe. Le mouvement est également représenté dans différentes instances internationales : Union européenne, CNUCED, ONUDI, PNUD, OCDE et Organisation internationale du Travail (OIT).
Impliquée tout au long de sa vie pour la reconnaissance du travail des femmes et notamment des femmes entrepreneuses, Yvonne Edmond-Foinant reçoit la Légion d’honneur à titre industriel en 1957. Elle est la deuxième femme à recevoir cette distinction pour ce titre. Son engagement dans le réseau sera toujours actif, jusqu’à son décès en 1990.
Christine Delachienne
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