Il s’agirait du « plus beau métier du monde ». Pourtant, les réalités de la profession de sage-femme sont toutes autres : épuisement, précarité, manque d’effectif… Un.e étudiant.e sage-femme sur cinq pense à changer de métier. Ces dernières années, elles se sont vues attribuer de nouvelles responsabilités, et ce sans qu’aucune reconnaissance salariale ou institutionnelle ne suive. Celles qui Osent fait le point sur cette vocation, pourtant essentielle, qui n’attire plus. Aujourd’hui, les sages-femmes sont en détresse et l’état alarmant de l’obstétrique en France reflète aussi un manque d’intérêt criant pour la santé des femmes…
La gynécologie et l’obstétrique, une « affaire de femmes »
Le métier de sage-femme existe depuis l’Antiquité. Elles portent le nom de obstetricie medicae dans la Rome antique, et occupent une position respectée dans la société. Très souvent, il s’agit d’un groupe de femmes savantes, considérées comme membres de la médecine légale à part entière. Leur statut reste cependant ambivalent, notamment au Moyen-Âge, où peu de femmes sont officiellement reconnues comme des sages-femmes. Durant l’époque médiévale, elles ont également un rôle religieux en cas de mort du nouveau-né, et prennent la place du prêtre qui ne peut assister à l’accouchement.
Dans les villages, la sage-femme est élue par la paroisse et prête serment sur la Bible d’assister les femmes en couches. La médecine traditionnelle, tel qu’elle était alors pratiquée par les notables, ne s’intéresse pas à la gynécologie et à l’obstétrique, considérées alors comme « une affaire de femmes ». Leur statut s’améliore à partir des XIV-XVe siècles, durant lesquelles certaines sages-femmes, en milieu urbain, sont reconnues et rémunérées par les municipalités. D’ailleurs, des enseignements sont dispensés à destination des sages-femmes à l’office des accouchées de l’Hôtel Dieu, à Paris.
Sages-femmes en détresse !
Épuisement, précarité, manque d’effectif : les sages-femmes sont aujourd’hui à bout de souffle. Selon l’Association nationale des étudiants et étudiantes sages-femmes, une sage-femme sur cinq pense aujourd’hui à arrêter ses études. La profession souffre en effet d’un grand manque d’attractivité, alors que 1,6 million de femmes manquent de sages-femmes près de chez elles. Actuellement, les études de sages-femmes durent six ans, et leurs compétences se sont élargies. Elles assurent le suivi pendant la grossesse, mais également la prescription de contraceptifs, la pose d’implants ou de stérilets, la vaccination des mères et des nourrissons, peuvent réaliser des IVG et des échographies…
Pourtant, si les compétences des sages-femmes ont augmenté, ce n’est pas le cas de leur salaire, qui est resté identique. Elles subissent également un manque de reconnaissance institutionnelle. Cela se traduit jusque dans le rapport de l’inspection générale des affaires sociales de 2021 selon lequel « les gynécologues représentent l’autorité médicale, intellectuelle et morale, construisent les connaissances sur la grossesse et les accouchements et définissent le principe de fonctionnement des maternités ». L’hôpital constitue un lieu très hiérarchisé, où la fracture entre gynécologues et sages-femmes est perceptible. La profession n’occupe toujours pas une place légitime dans le système hospitalier, et ce, au détriment de la santé des femmes.
Un manque d’intérêt alarmant pour la santé des femmes
Dans une tribune publiée dans Libération, plusieurs sages-femmes écrivent :
« Œuvrer pour les sages-femmes c’est œuvrer pour la santé des femmes, en leur offrant des espaces de soin respectueux, consentis et accessibles. »
Car les premières victimes de ce manque d’attractivité de la profession, outre les sages-femmes, ce sont les femmes et leur santé. Depuis toujours, la médecine est une institution patriarcale, qui néglige parfois le corps des femmes. En 2014, ce sont plus de 7000 femmes qui ont pris la parole pour dénoncer les violences gynécologiques subies via le hashtag #PayeTonUtérus. En 2018, le Haut Conseil à l’Égalité entre les hommes et les femmes a publié un rapport majeur intitulé « les actes sexistes durant le suivi gynécologique et médical ». On y apprend par exemple qu’un accouchement sur cinq donne lieu à une épisiotomie, alors qu’une femme sur deux « déplore un manque ou l’absence totale d’explication sur l’épisiotomie ». Aussi, 3,4 % des plaintes déposées auprès de l’Ordre des médecins en 2016 concernaient des agressions sexuelles ou des viols commis par des médecins.
La situation actuelle des sages-femmes reflète un manque d’intérêt criant pour la santé des femmes et leur bien-être, au profit de médecins et de gynécologues dont le statut institutionnel est perçu comme « supérieur ». Pourtant, au vu de l’état alarmant de l’obstétrique en France, les sages-femmes sont plus que jamais nécessaires…
🎞 Nous vous conseillons de visionner le film Sages-femmes de Léa Fehner (2023), relatant le parcours initiatique de deux amies sages-femmes dans une maternité sous haute tension, ou la comédie dramatique Sage-Homme, de Jennifer Devoldère, narrant l’histoire de Léopold, qui, ayant raté le concours d’entrée en médecine, opte, sans trop de motivation, pour des études au sein d’une école de sage-femmes…
Cet article vous a plu ? N’hésitez pas lire celui sur l’accouchement à domicile, disponible sur notre site.
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent.
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