Son nom n’est pas familier des Occidentaux, mais Sampat Pal Devi est bien connue des Indiens. Née en 1960 dans l’État d’Uttar Pradesh, l’un des États les plus pauvres de l’Inde, elle se bat contre la corruption en Inde, la pauvreté, et les droits des femmes. En 2006, elle a créé le Gulabi Gang, « le gang des saris roses », pour combattre les violences dont sont victimes les femmes indiennes. Celles qui Osent revient sur l’histoire de Sampat Pal Devi, figure du féminisme indien contemporain.
Sampat Pat Devi : une enfance dans l’État le plus pauvre d’Inde
Originaire du Bundelkhand, l’une des régions les plus pauvres d’Uttar Pradesh, État le plus peuplé en Inde, Sampat Pal Devi est mariée de force par sa famille à l’âge de 12 ans, bien que la loi interdise les mariages de mineures. Elle doit donc quitter ses proches et apprendre à tenir un foyer, aux côtés de son mari, avec qui elle a cinq enfants. À l’insu de sa famille, elle se rend à l’école de son village, réservée aux garçons, et se cache dans les couloirs pour écouter les cours. Elle apprend ainsi à compter et à lire, mais est contrainte d’arrêter son apprentissage suite au déménagement de sa famille. Elle reprend donc sa vie de bergère, et ne quittera plus son bâton, le lathi, qui deviendra par la suite un symbole de sa lutte féministe.
Alors qu’elle a 16 ans, elle est témoin d’une scène qui la marquera à vie. Elle assiste au passage à tabac d’une femme par son mari dans le voisinage. Elle décide alors de rassembler les femmes de son entourage, et part retrouver l’auteur des violences auxquelles elle a assisté. Muni de bâtons de bambous, le petit groupe retrouve le coupable, et le bat. Le jour suivant, plusieurs plaintes sont déposées contre Sampat Pal Devi.
Le Gulabi gang ou gang des saris roses
Après l’épisode du passage à tabac d’un auteur de violences conjugales, Sampat Pal Devi continue les actions à échelle locale, et rassemble les femmes de son village autour de la cause féministe. En 2006, elle fonde officiellement le Gulabi Gang, le gang des saris roses et étend son combat à la lutte contre la pauvreté et la corruption. Le gang a pour modèle Lakshmî Bâî, reine indienne ayant formé sa propre armée pour tenir tête aux colons britanniques au XIXe siècle.
L’organisation combat les mariages forcés, les violences conjugales et les discriminations de genre, mais aussi la pauvreté et le sous-développement. Elle a par exemple aidé à l’établissement de routes, de réseaux électriques et de sources d’eau potable dans plusieurs villages d’Uttar Pradesh. Les actions du Gulabi Gang ont surtout lieu en milieu rural, dans des zones où la loi indienne relative aux droits des femmes – comme l’interdiction des mariages forcés ou l’abandon des épouses par un mari non satisfait – n’est pas appliquée.
Une figure du féminisme indien
En cinq ans, le gang passe d’une dizaine de femmes issues du village de Sampat Pal Devi, à quelques milliers d’Indiennes vivant en Uttar Pradesh. Aujourd’hui, 400 000 femmes âgées de 16 à 60 ans font partie du Gulabi Gang, selon l’organisation. Munies de leur lathi, les militantes ont plusieurs fois battu des policiers corrompus et des maris agresseurs. Sampat Pal Devi ne défend l’usage de la violence qu’en cas d’ultime recours, et forme les membres du gang à l’auto-défense. Elle s’est présentée à deux reprises aux élections législatives pour devenir députée au Congrès, mais n’a pas rassemblé les voix nécessaires à l’obtention d’un siège. Ses candidatures ont également été entachées par les activistes de son gang, selon qui Sampat Pal Devi avait perdu sa fibre militante au profit d’un agenda politique.
Malgré les polémiques et controverses liées à ses intérêts politiques et personnels, Sampat Pal Devi est devenue une figure du féminisme indien, respectée par les autorités et la société. Elle continue sa lutte pour changer les mentalités, notamment en milieu rural, qu’elle décrit comme étant « contre les femmes ». Selon elle, les sociétés villageoises et rurales « refusent d’éduquer les femmes, les marient trop tôt, les troquent contre de l’argent. Les femmes des villages doivent étudier et devenir indépendantes pour se débrouiller seules. »
Si l’histoire de Sampat Pal Devi vous intéresse, retrouvez sa biographie Moi, Sampat Pal, chef de gang en sari rose, écrite par la journaliste Anne Berthod, ainsi que le documentaire Gulabi Gang, réalisé par l’Indienne Nishtha Jain.
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Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
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