Sarah Morin en a dans la calebasse !

Sarah Morin est une passionnée, ultra-créative, qui fabrique elle-même ses luminaires, avec de drôles de fruits, des calebasses, qu’elle cultive dans son jardin. Pourquoi une architecte parisienne a osé un jour devenir agricultrice et designer de courges lumineuses ? Comment ce cucurbitacée, habituellement récipient, gourde ou instrument de musique, est devenu, dans les mains de la créatrice, une suspension poétique et colorée ?

Une architecte du style et des tendances…

Aînée d’une famille de quatre enfants, elle choisit des études d’architecture comme son grand-père. Elle intègre donc l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris La Villette (ENSAPLV). Elle apprend à concevoir des édifices, prenant en compte l’environnement, l’implantation du bâti, et toute la dimension artistique de la création architecturale. Elle n’est pas excellente dans la conception 3D, mais se découvre une réelle appétence pour la réhabilitation des lieux, qui révèle et sublime l’existant. Passionnée de décoration intérieure, elle poursuit rapidement avec une formation professionnelle de designer textile à Tourcoing. La couleur, le motif, l’équilibre d’un rythme, d’une composition, c’est cela qui l’anime. Elle aime dessiner, créer des motifs qui habilleront l’intérieur des gens. Elle intègre alors le prestigieux bureau de style BHV Bazar de l’Hôtel de Ville de Paris, comme chargée de développement de cahiers de style. Un métier très intéressant où elle voyage beaucoup et découvre les divers moyens de production à travers le monde. Elle aime imaginer les tendances de demain, développer des produits et susciter l’inspiration. Au bout d’une dizaine d’années, à mesure que sa conscience écologique grandit, Sarah Morin commence à percevoir les limites de sa profession : course à la production à moindre coût, participation à la conception d’objets de décoration de mauvaise qualité et jetables… Elle a démarré sa carrière avec des entreprises locales et françaises, mais peu à peu, toute la production s’est éloignée. Elle négocie de plus en plus avec des importateurs, des prix toujours plus bas pour des biens de moins en moins qualitatifs. Elle vit constamment dans l’urgence, sous une pression délétère. La façon dont elle travaille fait moins sens, elle doit ralentir, changer de vie. Comment ? En redonnant du sens à sa création, dans le respect de ses valeurs sociales, éthiques et écologiques grandissantes.

… qui ose devenir designer de calebasses lumineuses

La calebasse, une étonnante gourde légume

Elle s’installe alors en Picardie, dans l’Oise, à une heure de Paris. Déserter la capitale pour adopter un mode de vie plus près de l’essentiel. « Tout est très densifié en ville, j’avais besoin de quitter Paris pour respirer, avoir plus d’espace pour me recréer. » En pleine nature, elle crée sa propre gamme, artisanale, éthique et durable. Son atelier est niché dans un tout petit village, « au milieu de tout et de rien, entre les moutons et l’étang, juste à l’orée du bois… » C’est au cours d’un voyage au Portugal qu’elle découvre la culture de la calebasse. Elle est immédiatement touchée par l’élégance organique de ce fruit et son histoire. Très implantées en Europe du Sud, les calebasses étaient utilisées par nos ancêtres comme contenant pour l’eau ou le vin, des gourdes pour les longs périples. En somme, nos bouteilles actuelles sont les descendantes des calebasses. Constituées de parois dures, celles-ci ont, à travers les siècles, servi de récipients, d’ornements, ou de caisses de résonance pour certains instruments de musique africains. Sarah Morin n’en fera pas des soupes : la calebasse n’offre pas de grandes qualités gustatives. Pour casser son amertume, il faut la cuisiner avec des épices assez fortes comme le curry par exemple.

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De l’échec du soliflore à la suspension lumineuse

Sarah Morin commence par vouloir créer des vases pour une seule fleur. C’est un échec : les soliflores laissent des traces humides sur leur support. Les calebasses, dans le jardin, s’accrochent et grimpent très haut, si bien que la créatrice décide de conserver cette caractéristique : ces soliflores ratés deviendront des vases en suspension. Et si elle fabriquait une lampe organique et nomade ? Elle apprendra bien plus tard que les anciens tapissaient la courge de résine ou de cire d’abeille pour préserver l’aspect hermétique. Mince alors, il aurait fallu le lui dire plus tôt ! Après ses premières récoltes, ses premiers essais et tâtonnements, une histoire se raconte à travers une collection de lampes végétales, pensées comme une démarche contemporaine durable et respectueuse de l’environnement.

Des luminaires imputrescibles

Désormais, une partie de son temps est consacrée à la culture des calebasses :

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  • préparer la terre;
  • soigner les plants;
  • choyer les fruits;
  • orchestrer la récolte;
  • mettre au séchage des calebasses.

Ensuite, vient le moment magique de la création… Chaque fruit est différent et unique : il faut suivre sa forme, découvrir sa texture, les aspérités de l’écorce, ses accidents et ses victoires… Un dialogue s’instaure, une conversation avec la cucurbitacée qui l’amène à choisir son décor. Elle coupe, sèche, évide, ponce, perce, peint, illustre, au gré de l’inspiration et de ses envies. Le fruit se vide facilement, avec un outil rotatif, type Dremel. Le travail de ponçage est réalisé à la main. Naturellement imputrescible, ce fruit ne nécessite pas d’apports de produits chimiques pour traiter un éventuel pourrissement : « La calebasse reste éternellement calebasse ». Une fois sec, le matériau est semblable à du bois. Pour l’éclairer, elle doit faire valider la conformité de ses calebasses aux normes CE. Elle conseille à ses clients d’utiliser des ampoules non chauffantes à économie d’énergie de type LED.

Collaborer avec des partenaires écoresponsables et français

Un fruit colorée qui offre de la lumière

Les calebasses célèbrent la couleur. Ces teintes vives, anti-morosité, la font vibrer. Sarah Morin ne fabrique pas elle-même ses peintures, mais soutient la filière artisanale en utilisant les couleurs A+ très pigmentées écoresponsables de chez Ressources Peintures. Dernier fabricant de peintures artisanales française, Ressources Peintures a par ailleurs été labellisé « Entreprise du Patrimoine vivant » par l’État français. Leurs minéraux et pigments naturels sont issus des carrières d’ocre de Roussillon. Sarah Morin aime aussi utiliser la feuille d’or, pour jouer avec les contrastes. Le fruit s’illumine, pour devenir une œuvre singulière, délicate et poétique, remplissant un double usage : éclairer et embellir nos intérieurs. Les lampes de la collection Bamako font voyager. Elles évoquent la simplicité d’un design primitif, le caractère ethnique, ancestral, empreint de culture berbère ou nomade. Cette gamme gainée de cordons de coton recyclé provient de la corderie Mansas, une entreprise familiale toulousaine qui produit des cordages et ficelles bio depuis 1925.

Produire du beau et du bon

Avec l’afflux de commandes, un voisin paysan doit également la fournir en calebasses pour pouvoir honorer ses clients. Pourtant, elle ne produit qu’à la demande, à flux tendu. Elle n’a que très peu de stock. Les basiques bleu Klein, jaune curry, rouge paprika et terracotta ont la cote ! Chaque produit est unique et vendu à prix abordable, variant de 139 à 220 euros. Sarah Morin utilise plusieurs supports de vente : son site internet, des boutiques sur les réseaux sociaux ou encore des revendeurs français. Son artisanat s’expose aussi à la galerie Empreintes « la Marketplace des métiers d’arts ». Elle vit de ses créations, même si ses revenus ont drastiquement baissé. Dans son village, elle consomme beaucoup moins qu’avant et tente de vivre en réduisant au maximum son empreinte carbone, en essayant à son échelle de ne pas polluer davantage la planète. Sa philosophie se décrit comme une volonté de redonner du sens :

“Le produit que l’on achète ne devrait pas seulement être beau et/ou utile : il devrait aussi être bon. Bon pour les yeux, bon pour le cœur, bon pour la vie. J’aime que les objets aient une identité et une histoire, j’aime le temps qui passe. Je veux réjouir les yeux autant que le cœur, je veux que la vie soit belle et que le monde soit doux. J’ai choisi l’éco-design parce que je désire produire avec bienveillance. Parce que je souhaite une consommation créative et responsable. Parce que je suis convaincue que le temps consacré à chaque objet, l’attention et l’affection qui lui sont portées, infusent sur notre quotidien.”

Ses collections futures, elle les souhaite le plus possible vernaculaires, issues de savoir-faire ancestraux et hyper localisés. Une passion l’anime : faire entrer un bout de nature dans notre quotidien, pour rêver, encore. Parions que ces petites lampes végétales auront un avenir lumineux…

Violaine B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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