Aurélie Marchi est une Vénus rebelle. Dans son livre plaidoyer pour la liberté à disposer de son corps, elle ose raconter son passage à l’acte : celui de se raser la tête. Elle dénonce les revers de la médaille : le regard des autres, le rapport à la beauté, à la sexualité, à la confiance en soi et tout ce qu’un simple cheveu, par son absence, a engendré. Encore un bouquin féministe ? Oui. Il traite d’égalité et de genres subtilement, avec humour. De situations rocambolesques au harcèlement de rue, l’auteure analyse les stéréotypes liés à la chevelure et au corps des femmes.
Rencontre avec une « rebelle » qui a osé se raser la tête !
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Une Vénus…
De l’école de commerce à la gestion de projets
Originaire d’Eure-et-Loire d’une famille réunionnaise, Aurélie Marchi est issue d’un milieu modeste, d’un père ouvrier et d’une mère femme de ménage. « J’ai suivi un parcours assez classique. Bonne élève, mes professeurs me dirigent vers un baccalauréat scientifique, puis vers une classe préparatoire. J’ai plafonné à 8 de moyenne si bien qu’au bout de trois mois, j’ai arrêté. » Elle se réoriente rapidement en Langues étrangères appliquées (LEA), un domaine qu’elle adore et dans lequel elle a de grandes facilités. « Je suis dans mon élément, mais j’ai peur des débouchés ». Au lieu de poursuivre en master, la jeune étudiante préfère entrer en école de commerce. « S’ensuit alors une longue période d’un parcours très diversifié, à la recherche du job qui me correspond le mieux. » Avec son mari, elle concrétise son rêve de s’installer à Paris, et travaille pour un cabinet de conseil aux entreprises. « Au début, j’ai adoré cela ! Avec le temps, j’ai compris que ce n’était pas ce que je devais faire. »
Changer de coupe de cheveux, suivre ses envies
Comment cette idée farfelue est-elle venue se loger dans mon cerveau jusqu’à ne plus en sortir ?
Mon souvenir de ce moment est bien flou.
Aurélie Marchi a toujours cultivé une certaine originalité. « Depuis l’adolescence, j’explore les coupes de cheveux. J’aime le changement. » Farouchement attachée à la liberté de jouir de ses fantaisies capillaires, un jour, elle se dit « Tiens, je me raserais bien la tête. Ce n’est pas classique, habituel. Je savais qu’il y aurait des répercussions. Je n’ai pas fait cela sans réfléchir ; j’avais conscience que cela allait être dérangeant, mais j’en avais vraiment envie, alors je l’ai fait. Heureusement, mon mari a été d’un soutien indéfectible. »
… qui se rebelle
Choisir de se raser la tête
Son choix est audacieux : un crâne rasé est souvent associé à la maladie, au cancer ou au déshonneur, comme cela a été le cas en France après la Seconde Guerre mondiale.
Le jour où Aurélie Marchi a rasé ses cheveux longs, le regard des autres sur elle a immédiatement changé : elle devait être folle, dépressive, malade, inconséquente, pire… ingrate. Ce qui aurait dû rester de l’ordre de l’intime a pris de telles proportions qu’elle a souhaité en parler et de ne plus jamais se taire.
Avec de la hauteur prise sur les évènements, elle analyse, à travers des faits historiques, de sociétés et le prisme de ses expériences, le rapport stéréotypé des femmes et des hommes aux cheveux. Pour prôner la liberté à disposer de son corps, elle raconte son passage à l’acte, cette fabuleuse liberté de ne plus porter le poids de ses cheveux !
Tête nue, elle doit aussi faire face aux réactions surprenantes, percutantes, parfois blessantes. « Certaines amies ont été extrêmement admiratives de mon choix, et d’autres, au contraire, ont cherché à justifier cet acte incompréhensible : as-tu perdu un pari ? Eu des poux ? C’était tellement énorme qu’il fallait trouver une justification suffisante à mon action. Cela ne pouvait pas être juste une envie ! Soudain, ce geste ne m’appartenait plus et tout le monde se permettait de donner son avis sur la question ! »
Pendant deux ans, Aurélie Marchi entretient cette coupe de cheveux, avant de choisir de les laisser pousser à nouveau. « Bien sûr, j’ai eu peur d’être moche, mais je ne me suis pas attardée sur cette question. Comme si me sentir belle était devenu secondaire. Depuis petites, nous sommes élevées pour l’être, comme nos poupées. Bien habillées, bien coiffées. J’avais besoin de me détacher de ses conventions sociales. J’ai su tout le poids que représentent mes cheveux à partir du moment où je me suis rasée la tête ».
Oser écrire un plaidoyer pour la liberté
Rien dans l’absolu ne la prédestinait à l’écriture. Pas vraiment douée en orthographe, s’estimant trop scolaire, elle n’a jamais imaginé écrire et encore moins faire publier son histoire ! « J’en avais envie, alors je l’ai fait. Certes, j’ai eu peur, j’en ai eu marre, je me suis découragée. J’ai pleuré, ri aussi. Je me suis surtout amusée. J’ai pris beaucoup de plaisir. Cet acte individuel, remis en perspective dans le collectif, m’a permis de me questionner sur la Femme et sa représentation dans nos sociétés. J’ai osé être re.belle. Me raser la tête fut mon acte fondateur d’artiste. J’ai continué et je ne veux plus m’arrêter là. Quelles diversités de féminités pouvons-nous incarner ? »
Aurélie Marchi ose raconter son expérience échevelée « pour qu’elle bénéficie à ceux et celles qui ont peur de perdre leurs cheveux, celles à qui on a interdit de se les couper, ou qui se l’interdisent elles-mêmes. » Et puis, sauf dans les cas spécifiques de maladie ou de calvitie, les cheveux cela repousse, non ?
Avant d’écrire l’histoire de son émancipation, Aurélie Marchi a quitté son travail afin de se consacrer pleinement à ce projet. Aujourd’hui, elle peint, rédige des vers, des articles pour son blog et se penche sur une nouvelle ébauche d’édition. « L’écriture et la création m’animent ». Son livre La Vénus se rebelle paraîtra le 11 mai 2021.
Vous pouvez le précommander aux éditions Leduc ou parcourir les articles de son blog La Vénus se rebelle :
« La Vénus se rebelle c’est l’histoire d’une artiste, femme universelle qui se cherche, dans toute sa complexité, son intelligence, sa beauté, ses contradictions, toutes ses composantes prises dans leur ensemble là où notre société veut la réduire à une seule d’entre-elles. Cela pourrait être une des définitions plurielles du féminisme. Bien que la femme soit au cœur de mes inspirations, tous types de sujets peuvent, au gré de mes échappées, être mis à l’honneur ; injustices et inégalités au premier plan. »
Violaine B — Celles qui Osent