Cinq femmes ont rassemblé des millions de fans à travers le monde. Elles ont formé le girls band le plus populaire du monde : les Spice Girls. Elles s’appellent Melanie Brown, Melanie Chisholm, Emma Bunton, Geri Halliwell et Victoria Adams. De 1994 à 1998, la Spice Mania déferle sur la planète. Jusqu’alors, peu de groupes de filles parviennent au sommet des charts. Leur premier album, Spice, reste à ce jour l’album d’artistes féminines le plus vendu de tous les temps. À travers leur musique, elles ont révolutionné la pop anglaise. Bien avant l’ère #metoo, elles ont aussi choisi comme slogan “Girl Power”, pour défendre la tolérance, l’ouverture d’esprit et l’égalité des sexes. Les Spice Girls étaient-elles féministes ? Comment ont-elles réussi à populariser le Girl Power ? Explications.
Wannabe : leur titre qui célèbre la solidarité féminine
Au Printemps 1994, le producteur Chris Herbert rêve de monter une version féministe de Take That. (le boysband avec Gary Barlow, Mark Owen, Howard Donald, Jason Orange et Robbie Williams). Il organise un casting à Londres et choisit Mel B, nonchalante et très sûre d’elle, Victoria, très sophistiquée, Emma, Mélanie C et Géri, l’énergie incarnée. Elles ont confiance en elles et cela se voit. Animées par la volonté de réussir, elles organisent un mini-concert promotionnel afin d’attirer les meilleurs compositeurs et producteurs de l’industrie de la musique. Peu à peu courtisées par les maisons de disques, ces jeunes femmes libres et ambitieuses osent ne pas se plier à toutes leurs volontés. Ensemble, elles décident finalement de signer chez un jeune agent prometteur : Simon Fuller.
En 1996, elles sortent leur premier single Wannabe. Le succès est immédiat. La musique est punchy, entraînante et entêtante.
“Yo, I’ll tell you what I want, what I really, really want. So tell me what you want, what you really, really want…”
Ce titre célèbre la solidarité féminine. Galvanisées par le Girl Power, les Spices Girls écrivent, ensemble, les textes des paroles de leurs chansons et participent activement à la création de tous leurs hits. En effet, elles cosignent l’intégralité de leurs chansons. À peine deux mois après la sortie de leur single Wannabe, leur album intitulé Spice cartonne au box-office, marquant le début de la « Spice Mania ». Spice demeure encore aujourd’hui l’album d’un groupe féminin le plus vendu de tous les temps. Le succès, phénoménal, dépasse largement les frontières du Royaume Unis. Idolâtrées par une énorme communauté de fans, elles concurrencent tous les boysbands du moment. Durant l’année 96, chacune amasse une fortune évaluée à plus de 45 millions de dollars.
Le magazine musical britannique Top of the Pops va jusqu’à donner à chaque membre du groupe des surnoms qui sont immédiatement adoptés par les fans ; Emma est ainsi rebaptisée Baby Spice, Victoria devient Posh Spice, Melanie C, Sporty Spice, Melanie B, Scary Spice, et enfin Geri, Ginger Spice.
Les Spice Girls, ou le pouvoir de dire “non” aux hommes
Simon Fuller voit dans les 5 jeunes femmes l’opportunité d’associer musique et capitalisme. En plus de vendre des tubes, il crée la marque Spice Girls. Pour des millions de livres, les cinq jeunes femmes font la promotion de supermarchés ou de nouvelles chaînes TV.
Idoles des jeunes, elles deviennent les ambassadrices de moult produits dérivés, goodies et autres objets commerciaux, devenant en quelque sorte des produits de placement. Qualifiées de « marchandises culturelles », ces filles de la classe ouvrière, qui ont trouvé le moyen de gagner beaucoup d’argent s’attirent peu à peu les critiques. Ambitieuses, elles veulent être partout et n’ont aucun complexe à vouloir gagner de l’argent.
En 1997, lors d’un tournage d’une publicité pour Polaroïd, les Spice Girls, habillées en écolières, s’agacent. Elles doivent faire face aux remarques sexistes et misogynes d’une équipe technique exclusivement masculine. Lassées par les désirs des publicitaires qui attendent qu’elles dévoilent encore davantage leurs nombrils ou leurs décolletés, elles renvoient leur producteur de disques Simon Fuller, pour reprendre le contrôle de leurs sponsors et de leurs carrières.
Le girlsband incarne la sororité et l’empowerment féminin
Le groupe éclate en mai 1998, lorsque Geri Halliwell quitte précipitamment la scène à Oslo.
« Ceci est un message pour les fans. C’est avec tristesse que je confirme que j’ai quitté les Spice Girls. Ceci en raison de divergences entre nous. Je suis sûre que le groupe continuera d’avoir du succès et je lui souhaite bonne chance. Je n’ai pas de plans immédiats. Je voudrais m’excuser auprès des fans et les remercier ainsi que chaque personne qui a été à mes côtés. Beaucoup d’amour, Geri. P.S. : Je reviendrai. » Geri Halliwell
Malgré l’incident, les quatre Spice Girls poursuivent leur tournée mondiale en Amérique. Fin 1998, les 4 jeunes chanteuses enregistrent un nouveau single, Goodbye, qui devient le tube de Noël au Royaume-Uni, puis lance un troisième album Forever en 2000. Les Spices Girls à 4 ont changé de look mais aussi de style musical ; les réactions sont mitigées, les fans ne s’y retrouvent plus tout à fait.
« Les gens ne supportent plus leur arrogance »
Malheureusement, l’état de grâce médiatique du groupe se détériore. La presse ne voit pas d’un très bon œil l’enrichissement d’un groupe de jeunes femmes indépendantes, clamant Girl Power. Tous leurs faits et gestes sont scrutés par les paparazzis. Les bassesses de certains journalistes masculins semblent être surtout liées à la peur : ils sont déstabilisés par ces jeunes femmes puissantes et fortes. En 2007, les Spice Girls se reforment brièvement, pour la sortie d’un Greatest Hits, regroupant leurs plus grands succès.
Elles admettent : « Mieux vaut être une Spice Girl qu’une artiste solo, parce que l’on peut partager son expérience avec les autres. »
Ensemble, elles incarnent l’empowerment féminin et la sororité.
« On se sent tellement plus fortes et émancipées lorsque l’on est ensemble. »
Les Spice Girls, des féministes ?
« Vous pouvez porter des soutiens-gorges et vous maquiller tout en ayant un cerveau et des couilles. »
Les spice girls ne se sont jamais revendiquées comme féministes, même si d’une certaine façon, elles l’ont été, proposant un féminisme plus « sexy » et édulcoré. Dans une époque où être féministe est quasiment considéré comme une injure, les Spice Girls ose s’inspirer librement du féminisme des années 60, en l’adaptant aux années 90.
« Sois toi-même » Les Spice Girls revendiquent une certaine conception de la liberté d’expression et invitent les femmes à cultiver leur propre personnalité. Chaque membre du groupe a un style vestimentaire bien distinct, influençant par la suite les Destiny’s Child, les Pussycat Dolls ou encore le boys band One Direction.
Des icônes du Girl Power
Les Spice Girls ont choisi comme slogan « Girl Power ». Le girl power, c’est le pouvoir au féminin. Initialement, ce phénomène culturel est associé au Riot grrrl bands, un mouvement musical féministe, entre punk et anarchisme, portée par la musicienne Kathleen Hanna. Celle-ci écrit des chansons dont les thématiques sont féministes : violences faites aux femmes, viol, droit à l’avortement…
Les Spice Girls, elles, veulent surtout faire évoluer l’image des femmes. Elles réclament l’égalité des sexes et des droits. Leurs titres Wannabe ou Who Do You Think You Are?, sont des incitations à ne pas se laisser dominer par les hommes.
Comme de nombreuses pop stars, les Spice Girls manient l’art de la provocation. Lors de la tournée Spiceworld Tour, elles interprètent la chanson Naked nues, cachant simplement leurs parties intimes aux yeux du public derrière une chaise retournée. Selon elles, une femme peut être aguicheuse tout en étant libérée. « Il s’agit avant tout de se plaire à soi-même et non de plaire aux hommes. »
Leurs détracteurs rappellent ironiquement cependant que leur carrière est exclusivement gérée… par des hommes. De plus, dans leurs clips, les Spice Girls arborent des tenues sexy, répondant à la satisfaction visuelle des hommes…
Les Spice Girls ont subi les revers du show-biz, impitoyable avec les femmes
Après leur succès fulgurant, les Spice Girls ont dû faire face à un déchaînement médiatique et sexiste. La loi du show-biz est impitoyable avec les femmes ; dans les années 2000, la plupart des entreprises de divertissement sont exclusivement dirigées par des hommes de 40-50 ans. Les carrières sont donc pilotées à travers le prisme du patriarcat. Quand une chanteuse devient mère, sa valeur diminue parce qu’elle n’est plus un sex-symbol.
Dans le cas des Spice Girls, elles ont été accusées d’encourager les très jeunes filles à faire des enfants. En effet, lorsque Victoria puis plus tard Melby annoncent leur grossesse, les journaux britanniques les accusent de mettre les ados en péril, car elles représentent des modèles pour les jeunes filles de 12 ans. (alors que le Royaume-Unis comptent plus de mères adolescentes que partout ailleurs en Europe). Mel B, mère célibataire, femme métisse de surcroît, doit également faire face à des jugements sexistes sur ses relations avec les hommes, racistes et à sa capacité à être mère. Être une femme pop star, c’est aussi être constamment jugé sur son poids, sa sexualité, ses choix. Posh Spice, de plus en plus maigre, est surnommé Skinny Spice, et la taille de Geri est abondamment commenté, malgré le fait qu’elle ait déclaré publiquement qu’elle souffrait de problèmes alimentaires.
Elles ont libéré la parole sur les violences conjugales
La vie privée des hommes n’a pas d’influence sur leurs carrières alors que pour les femmes, si. Par exemple, en avril 2004, David Beckham, le mari de Victoria est accusé d’avoir une liaison avec Rebecca Loos. La presse l’excusera presque, en titrant : « délaissé par sa femme, Beckham couche avec Loos ». Victoria est diabolisé, Beckham, encensé. En 2006, Mel B. fréquente l’acteur américain, Eddie Murphy mais leur relation se solde par un scandale. Enceinte lorsqu’ils se séparent, elle donne naissance à leur fille, Angel, en 2007. Sauf qu’ Eddie remet en cause cette paternité. (Un test ADN confirme pourtant bien qu’il est le père.) Dans une conférence de presse, elle ose dénoncer publiquement le fait que nombre de pères n’assument pas leurs responsabilités. Cette affaire n’a cependant pas entaché la réputation d’Eddie Murphy, qui a poursuivi brillamment sa carrière d’acteur.
En 2018, Mel B, victime de violences conjugales divorce de son mari et manager Stephen Belafonte. Elle doit abandonner les allégations de violence conjugale dans le cadre d’un règlement à l’amiable, mais permet de libérer la parole d’autres femmes sur ce sujet. « Cela peut arriver à tout le monde » . Par ailleurs, la lutte contre la maltraitance des femmes est soutenue par Geri Halliwell, ambassadrice à l’Organisation des Nations unies (UNFPA) depuis 1998.
Les Spice Girls ont renouvelé la musique pop-teenage et ont contribué à donner de la visibilité aux revendications féministes. Ces cinq femmes sont devenues des icônes musicales intergénérationnelles, en ayant contribuer à populariser le Girl Power. Leur titre Wannabe s’est classé en tête des ventes dans plus de trente-sept pays et s’est écoulé à sept millions d’exemplaires ; il est encore aujourd’hui considéré comme un hymne féministe mondial.
Violaine B – Celles qui Osent
Sources :
Spice Girls – Universal Music France
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent