Le Lévothyrox est un médicament qui lutte contre les problèmes, ou l’absence, de thyroïde. Il a connu son heure de gloire en 2017 lors d’une campagne médiatique. La modification de sa formule et de sa composition a surpris les malades. Trois millions de Français, dont 80 % de femmes consomment quotidiennement ce petit comprimé. Pourtant le laboratoire pharmaceutique Merck a choisi de ne pas les mettre en garde contre d’éventuels effets secondaires pouvant survenir suite à cette transformation. La population ne découvre ce scandale qu’après les premiers témoignages des victimes et la révolte de Sylvie Robache, lanceuse d’alerte du scandale du Lévothyrox. Elle est l’héroïne du mouvement de contestation du nouveau Lévothyrox et la porte-parole des victimes, qui se battent contre l’industrie pharmaceutique.
Une vie bouleversée par un cancer de la thyroïde
Qu’est-ce que la thyroïde ?
La thyroïde, une glande en forme de papillon, est indispensable au bon fonctionnement cellulaire du corps. Cet organe à la base de la trachée produit des hormones (thyroxine) qui passent dans la circulation sanguine et agissent sur l’ensemble de l’organisme. Ainsi, l’énergie du corps, le rythme cardiaque, les muscles et les fonctions digestives dépendent d’elle. La plupart d’entre nous ne connaissent pas son existence puisqu’elle régule seule notre métabolisme. Mais lorsqu’elle décide de ne plus remplir son rôle correctement, les ennuis commencent.
Les pathologies sont nombreuses :
- l’hyperthyroïdie, un excès d’hormones thyroïdiennes dans le sang qui accélèrent les fonctions vitales, comme dans la maladie de Basedow ;
- l’hypothyroïdie, un déséquilibre de la thyroïde qui ne sécrète plus assez d’hormones et ralentit le fonctionnement du corps ;
- le nodule, une grosseur au niveau de cette glande qui la dérègle ;
- le goitre, une inflammation de la thyroïde qui s’accompagne d’un ralentissement de la production d’hormones, comme dans la maladie de Hashimoto ;
- le cancer de la thyroïde.
Un cancer, et toute la vie bascule
Vivre sans thyroïde est impossible. Sylvie Robache apprend, en 2015, qu’elle souffre d’un cancer de la thyroïde. Elle subit une thyroïdectomie en 2016, une ablation de cette glande, puis se remet petit à petit. À partir de ce moment, des hormones de synthèse remplacent les hormones naturelles de sa thyroïde disparue. Ce cancer se soigne bien dans 90 % des cas, mais après l’opération la prise d’hormones est vitale.
Sur le marché français, peu de laboratoires pharmaceutiques proposent une médication intéressante. Le laboratoire Merck est le leader sur cette niche avec le Lévothyrox, un médicament à base de lévothyroxine. Trouver le bon dosage d’hormones est long et délicat, car la moindre modification peut faire varier les taux dans le sang et provoquer des affections. Selon les saisons, la chaleur ou le froid, des variations de l’efficacité apparaissent pour certains patients. Pourtant les malades s’attachent à ne pas changer de dosage, à garder le même médicament, à respecter l’heure de prise, à jeun, et ils le prennent toute leur vie. Les moindres modifications ou oublis peuvent avoir des conséquences en intensifiant des symptômes comme de la fatigue, des douleurs musculaires ou articulaires. Et sans traitement pendant trois semaines ou un mois, vous sombrez dans le coma.
Sylvie Robache, lanceuse d’alerte du scandale du Lévothyrox
2017, une année décisive
En mars 2017, le laboratoire pharmaceutique Merck décide de mettre sur le marché une nouvelle formule du Lévothyrox et de modifier sa composition. Il le lance sur le marché français. Le public concerné ignore tout, puisque le laboratoire ne communique pas sur ce changement. La plupart des médecins impliqués reçoivent une lettre papier, qu’ils ne lisent pas toujours. Les patients, eux, n’apprennent cette modification de composition que par leur pharmacien, leur médecin généraliste ou endocrinologue, et seulement au bout de quelques semaines.
Ce nouveau médicament provoque chez certains patients un bon nombre d’effets secondaires :
- fatigue ou épuisement ;
- vomissements et nausées ;
- douleurs ;
- irritabilité ;
- état dépressif ;
- etc.
Très vite, les malades cherchent à se faire entendre auprès de leurs médecins. Malheureusement ces maux ne sont pas mis sur le compte du nouveau Lévothyrox car ils sont les mêmes que ceux ressentis lors d’un mauvais dosage d’hormones thyroïdiennes de synthèse. Nombreux sont les patients à avoir vérifié leur TSH (thyréostimuline) avec une prise de sang. Beaucoup d’entre eux ont la surprise de voir un dosage normal alors que les symptômes sont très importants. En raison de ces constats, 17 000 patients déposent une plainte contre le laboratoire Merck pour connaître la, ou les raisons, de ces nouveaux effets handicapants.
En colère, l’Arrageoise monte au créneau
Sylvie Robache est une femme ordinaire, une secrétaire médicale qui réside à Arras, dans le Pas-de-Calais. Après son cancer et l’ablation de la thyroïde, elle prend chaque jour son Lévothyrox, au dosage adapté pour elle. Même si elle envisage un avenir, elle n’est plus la même depuis l’opération, car les hormones de synthèse ne remplacent pas totalement celles produites par la glande naturelle. « Les jours avec et les jours sans » deviennent son quotidien. Dès la prise de la nouvelle formule, de nouveaux symptômes la rendent encore plus malade qu’elle ne l’était et elle subit des effets indésirables identiques à d’autres patients.
Les plaintes contre le laboratoire Merck restent sans réponse. En colère Sylvie Robache décide en juin 2017 de lancer une pétition en ligne pour connaître le nombre de patients impactés et pouvoir se faire entendre avec vigueur.
Le parcours de l’héroïne du mouvement de contestation du nouveau Lévothyrox
Le silence de la communauté médicale
Pour aider les malades qui ressentent les effets secondaires de cette nouvelle formule à se faire entendre, Sylvie Robache devient leur porte-voix. Elle prend cette décision, car le silence des différents médecins et la banalisation de ses douleurs, de son épuisement, de ses problèmes digestifs ou de la perte de ses cheveux l’exaspèrent. Elle souhaite faire entendre sa voix, ainsi que celles des autres patients, dont les témoignages s’accumulent.
Les effets secondaires relatés par les malades sont identiques. Pourtant le laboratoire Merck réfute totalement l’implication de la nouvelle formule. Les médecins restent, eux aussi, très souvent silencieux et demandent aux malades de patienter pour que tout rentre dans l’ordre. Pendant ce temps, beaucoup de patients subissent des impacts dans leur vie personnelle et professionnelle.
La médiatisation pour se faire entendre
C’est en août 2017 que l’héroïne de ce mouvement de contestation se fait connaître du grand public. C’est un article paru dans la Voix du Nord qui lance l’affaire du Lévothyrox. Sylvie Robache y témoigne et dénonce l’absence de communication du laboratoire. Pour appuyer les revendications des victimes, Annie Duperey, qui souffre elle aussi des effets secondaires du nouveau Lévothyrox, témoigne à la radio et écrit une lettre à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.
Les procès contre X et contre le laboratoire Merck se multiplient. Ils les obligent à proposer des alternatives, notamment celle de remettre sur le marché l’ancienne version du Lévothyrox. Toujours fabriqué par le laboratoire, mais commercialisé sous le nom d’Euthyrox, il reste disponible sur d’autres marchés européens. Les victimes se voient ainsi dans l’obligation de se procurer la version allemande ou russe à la pharmacie, en tentant d’éviter la pénurie, ou d’essayer de nouveaux médicaments comme solution alternative. Durant les mois qui suivent, le laboratoire Merck est condamné à plusieurs reprises. En juin 2020, il verse 1 000 euros à 3 329 plaignants.
Pour la porte-parole des victimes du Lévothyrox, le combat continue
Sylvie Robache ne travaille plus, elle se lance dans l’écriture d’un livre qui retrace les différentes étapes de ce combat sanitaire. « Le scandale du Lévothyrox » paraît chez Hugo Doc en septembre 2020. Elle continue la lutte et travaille à l’écriture d’un roman. Depuis le début de l’affaire, elle s’engage dans l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) en assurant, notamment, des permanences téléphoniques. Lanceuse d’alerte du Lévothyrox, elle reste vigilante, car les victimes sont nombreuses et différents procès sont toujours en cours. De plus, le laboratoire Merck a décidé de retirer de la vente du marché français l’Euthyrox pour la fin de l’année 2021. Rendez-vous en décembre 2021 pour connaître le sort de tous ces patients qui ne supportent que l’Euthyrox.
C’est une fin annoncée pour des problèmes à venir. Les questions sont encore nombreuses et l’échéance de décembre 2021 plane comme l’épée de Damoclès sur la tête de ces victimes. Ils luttent, tous les jours, contre les effets des hormones de synthèse et ne savent pas quelles perspectives s’ouvrent à eux pour l’année 2022. Sylvie Robache, lanceuse d’alerte du scandale du Lévothyrox, et symbole de sa médiatisation, doit-elle revenir sur le devant de la scène pour alerter, à nouveau, les pouvoirs publics ? La lutte continue et la pétition existe toujours sur Mesopinions.com. Elle rassemble aujourd’hui plus de 345 000 signatures qui confirment l’importance de la médiatisation et du combat qui se poursuivent pour le rétablissement de l’ancienne formule sur le marché français.
Ce scandale n’est pas sans rappeler un autre combat sanitaire récent contre l’industrie pharmaceutique, celui d’Irène Frachon .
Agnès SALMON, pour Celles qui Osent