Chaque jour des millions de femmes l’utilisent, sans savoir s’il est nocif ou pas. Une femme qui le choisit comme protection périodique en utilisera près de 11 000 au cours de sa vie. Inventé en 1929 aux États-Unis par le Dr Cleveland Haas, le tampon est devenu incontournable, sans que l’on s’interroge réellement sur sa composition ou sur les risques potentiels encourus. Malheureusement, depuis les années 2000, une maladie réapparaît : le syndrome du choc toxique (SCT), une infection mortelle méconnue. Lauren Wasser, top model et porte-parole emblématique sur le sujet du SCT, a survécu miraculeusement à cette contamination, au prix d’une double amputation de ses jambes. Désormais, elle ose réclamer plus d’études, de recherches et de transparence des fabricants sur la dangerosité des tampons et alerte les femmes en racontant son histoire. Avec ses prothèses en or, elle défile désormais sur les podiums pour faire évoluer les mentalités de l’industrie de la mode. Retour avec Celles qui Osent sur la polémique des tampons à travers le combat de Lauren Wasser et son témoignage sur le syndrome du choc toxique.
Le SCT menstruel, une infection grave méconnue
Le syndrome de choc toxique menstruel (SCT) est une infection grave causée par la libération d’une toxine bactérienne dans le sang, la TSST-1 produite par un type de staphylocoque doré, entraînant un choc toxique.
Plus le sang est stocké longtemps dans le vagin, plus le risque d’infection est élevé.
Difficilement diagnostiquée, cette maladie demeure méconnue, car ses symptômes ressemblent en partie à ceux de la grippe (frissons, fièvre, céphalées, nausées…). Si elle n’est pas prise en charge à temps, l’infection affecte tous les organes, engendre des problèmes cardiaques, la stérilité ou potentiellement entraîne la mort.
Cette maladie est cependant rarissime : une vingtaine de cas de syndrome du choc toxique sont déclarés chaque année en France, même si ce chiffre est sans doute en deçà de la réalité, car cette pathologie n’est pas une maladie à déclaration obligatoire.
Le tampon, une protection intime controversée
Pourtant fidèle allié des femmes ayant participé à leur émancipation, le tampon est désormais une protection hygiénique très controversée, source de nombreuses inquiétudes.
Les scandales liés à leurs utilisations remontent aux années 1980.
En 1979, la mise sur le marché de Rely, un « tampon super absorbant » de la multinationale américaine Procter & Gamble, fait croire aux femmes qu’elles peuvent garder leur protection… tout au long de leurs règles ! Perçu comme l’objet menstruel du futur tant il est absorbant, Rely provoque alors des milliers de décès. Découvrant le syndrome du choc toxique, P&G le retire du marché.
« Aujourd’hui, les tampons ressemblent à des poubelles chimiques »
En 2017, le documentaire choc Tampon, notre ennemi intime, réalisé par Audrey Gloaguen, tire la sonnette d’alarme sur la dangerosité des tampons hygiéniques. Il démontre que la plupart des protections périodiques comportent des résidus toxiques. De plus, il y aurait un possible rapport entre les tampons, les perturbateurs endocriniens et l’endométriose. La réalisatrice interpelle les autorités publiques sur l’opacité entretenue volontairement par les fabricants, car « il n’existe à ce jour aucune étude sur l’impact des tampons sur la santé des femmes ».
Syndrome du choc toxique : le témoignage de Lauren Wasser, porte-parole médiatique
Lauren Wasser, porte-parole médiatique du SCT
C’est une miraculée. « J’avais 1 % de chance de survie. » Lauren Wasser, survivante archi positive, aujourd’hui amputée de ses deux jambes, est mannequin. Victime à 24 ans d’un choc toxique lié à l’utilisation d’un tampon, la top Californienne surnommée « la fille aux jambes en or » est désormais sollicitée par les plus grands créateurs. Elle revient de loin. Lauren Wasser a dû se battre pour rester en vie, mais aussi pour faire sa place dans l’industrie de la mode. Celle-ci est pourtant certaine d’être « foutue », de ne pas « mériter plus qu’un regard. »
« Ma force, c’est d’en donner aux autres. »
Lauren Wasser veut raconter son histoire, médiatiser ce drame mal connu. Les étapes de sa renaissance, qui ont été filmées, feront bientôt l’objet d’un documentaire.
« Aucune fille n’est coupable parce qu’elle aurait porté son tampon trop longtemps, c’est archi-faux. C’est de l’intox des fabricants. Ce n’est pas ce qui m’est arrivé ni ce qui arrive aux autres. Tout le monde doit savoir, pour que cela n’arrive plus jamais. Nous, les femmes, devons être mieux sensibilisées au SCT. Il est temps pour nous, les consommatrices, d’exiger des produits sains et une meilleure transparence au sujet de ce qui finit dans nos corps. Plus personne ne doit ignorer qu’utiliser un tampon peut être gravissime. »
Militante, elle porte son combat jusqu’au Sénat américain, et soutiens la proposition de loi intitulée Robin Danielson Act, tirant son nom d’une femme ayant perdu la vie suite au SCT en 1998. Pour Lauren Wasser, il est urgent de faire voter une loi obligeant les fabricants de tampons à afficher clairement les produits toxiques utilisés. Malheureusement, ses dix tentatives sont encore à ce jour vaines.
Survivre au syndrome du choc toxique
À 24 ans, Lauren Wasser contracte le syndrome du choc toxique : l’usage d’un tampon, associé à une bactérie présente silencieusement dans son corps, provoque une infection généralisée gravissime. Son corps monte à plus de 41 degrés et subit des attaques cardiaques. Comme la gangrène a attaqué ses jambes, elle doit se résoudre d’abord à l’amputation de sa jambe gauche, puis, 5 ans plus tard, à celle de sa jambe droite. « Cette perte d’identité était insupportable à vivre au quotidien. Pour moi, ma vie était foutue ». Hantée par des douleurs insoutenables, elle songe à « se foutre en l’air. »
Mais Dieu, sa mère, son petit frère adoré, ses trois chiens et l’envie de donner la vie un jour l’en empêchent. Telle une athlète de haut niveau au mental d’acier, elle choisit de se battre. Elle se remet au sport intensif : de la gym, du Pilates et de la course.
Parée de lames spéciales qui absorbent les chocs, la top model s’entraîne désormais pour le marathon de New York 2022.
Défiler pour bousculer les normes de la beauté
Après quatre mois interminables à l’hôpital, puis huit mois à broyer du noir dans son fauteuil roulant, sa petite amie, la photographe Jennifer Rovero, lui propose de shooter sa convalescence. Peu à peu, la top model handicapée se réapproprie son nouveau corps et sa nouvelle image. Forcée à la résilience, elle accepte de s’appareiller de prothèses… dorées !
« J’adore le rappeur ASAP Rocky et ses dents en or. S’il peut avoir des dents en or, pourquoi ne pourrais-je pas avoir une prothèse dorée ? C’est comme un bijou dont je ne me sépare pas. »
Lauren Wasser défile avec ses « jambes en or », lors du show de Rihanna pour Fenty en 2019, puis enchaîne les contrats avec les plus grands : Margiela, Missoni, Vuitton, Virgil Abloh, Balenciaga, Dolce & Gabbana, Armani…
« Jamais je n’aurais pensé que l’industrie de la mode m’accepterait à nouveau. »
Dernièrement, Lauren Wasser a été choisie par le créateur Nicolas Ghesquière, de la maison Louis Vuitton, pour présenter, la collection Croisière 2023.
« Je veux faire évoluer la notion de beauté, qu’elle devienne plus inclusive »
La top model défend une mode plus inclusive, et participe à la transformation d’une mode jusqu’ici ultra-conformiste.
La composition des tampons doit devenir plus transparente
« Cette industrie n’a pas jugé bon de mener des études approfondies et transparentes sur l’impact de leurs produits pour la santé des femmes. » Elise Thiebaut, autrice de Ceci est mon sang (éditions La Découverte)
Peu de fabricants affichent la composition de leurs tampons, car ils n’en ont pas l’obligation.
Deux textes officiels doivent cependant être respectés. Or la directive sur la sécurité générale des produits illustre le fait qu’il n’existe justement pas de réglementation, seulement des « exigences ». Quant à la charte de bonne conduite de 1999, elle a été rédigée par la Commission européenne, main à main avec les industriels du secteur…
En 2018, l’Anses a été saisie afin d’évaluer la sécurité des protections intimes.
Leur rapport d’expertise prouve la présence de substances chimiques préoccupantes, telles que des traces de chlore ou de dioxines dans les tampons et serviettes, y compris bio, mais sans dépassement des seuils sanitaires.
Dès 2017, Tampax, l’entreprise leader du marché, a promis d’être transparente sur la composition de ses produits. Cependant, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances des militantes. Si les matières premières sont citées (coton, viscose, rayonne, ou encore plastique), il n’est fait aucune mention des colorants, encres, additifs et parfums parfois utilisés.
Les victimes survivantes du SCT déplorent le manque d’information, et l’absence de conseils donnés pour une bonne utilisation du tampon. Pour beaucoup d’entre elles, s’il n’existait pas aujourd’hui encore un tabou autour des règles, il n’y aurait pas ce déficit d’informations. L’industrie des protections périodiques représente 26 milliards d’euros par an, et les entreprises préfèrent garder le mystère sur la composition de leurs tampons. Le faible investissement scientifique sur ce syndrome démontre aussi le peu de cas qui est encore fait de la santé des femmes lorsque des intérêts industriels sont en jeu…
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Violaine B — Celles qui Osent
Sources :
ELLE magazine N° 3984 du 28 avril 2022 — article de Carolina Orrico
ELLE.FR Amputée à cause d’un tampon, voici ce que Lauren Wasser veut que vous sachiez —Elle
Society n° 95, 29/11/2018 de Thomas Chatriot
Qui est Lauren Wasser ? — CYCLIQUE
Lauren Wasser, le mannequin aux jambes d’or, défile pour la collection Croisière Louis Vuitton
PORTRAIT #2 : Lauren Wasser, survivante du Syndrome du Choc Toxique — Moodz.co
France TV Tampon, notre ennemi intime en streaming — Replay France 5
Choc toxique : comprendre ce syndrome et réduire le risque !
Un documentaire choc : tabou sur les dangers des tampons
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