Les silences qui pèsent, les mots qui libèrent : quand Baptiste Beaulieu bouscule les certitudes
Je n’avais jamais lu Baptiste Beaulieu, mais le jour où nous avons interviewé Anne Bouillon dans les locaux des éditions l’Iconoclaste, Margaux, libraire, me l’a tendu en me disant « vous l’avez lu ? », bêtement, j’ai répondu « c’est un homme… », elle a insisté avec le bras, en me présentant de nouveau le livre « je vous le conseille. Vraiment. »
J’ai filé vers mon métro et une fois assise, j’ai commencé à le lire, sans plus pouvoir m’arrêter. Merci Baptiste. Merci aux éditions l’Iconoclaste.
Tous les silences ne font pas le même bruit, livre un récit intime et politique, une plongée au cœur des non-dits qui étouffent et des mots qui réparent.
L’auteur, médecin et militant humaniste, nous tend un miroir : celui d’une société qui banalise encore trop souvent l’homophobie, qu’elle soit criante ou feutrée.
Mais dans ce livre, il ne s’agit pas seulement de dénoncer. Il s’agit de vivre, de survivre, et d’apprendre à dire. À aimer.
Dès les premières pages, Baptiste Beaulieu évoque les silences gênés des adultes qui ponctuent son enfance. Ces rires moqueurs devant des couples homosexuels à la télévision, ces blagues d’apparence inoffensive qui plantent pourtant les graines du doute et de la honte. Comment ne pas penser ici aux injonctions faites aux femmes, ces petites phrases assassines qui, elles aussi, enseignent à rester « à sa place » ?
Dès l’école, l’insulte ultime pour un garçon est de se voir « traiter » de fille ?
Être une fille serait une insulte, au même titre qu’être « pédé ».
Même combat.
L’oppression, qu’elle cible l’orientation sexuelle ou le genre, commence dans l’espace intime, là où l’on se construit.
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Le poids du silence, l’éclat des mots dans Tous les silences ne font pas le même bruit
Baptiste Beaulieu nous fait traverser son adolescence comme on marcherait sur des tessons de verre. Les insultes, les regards en coin, le sentiment de ne pas avoir de refuge. Il raconte ces moments d’isolement, ces blessures invisibles que beaucoup, hommes ou femmes, peuvent comprendre. Car le silence, celui imposé par la peur, est universel. Qu’il s’agisse de parler d’une agression, d’une injustice ou de sa propre identité, la peur de ne pas être cru·e, de perdre des liens, paralyse.
Et puis, il y a l’adulte, cet homme qui décide de tenir la main de son compagnon dans la rue. Pas pour provoquer. Simplement pour être. Mais là encore, la violence surgit : physique, verbale. Être soi-même, dans une société hétéronormative, reste un acte de courage.
Les oppressions diffèrent, mais la mécanique reste la même : marginaliser pour mieux contrôler.
Baptiste Beaulieu : une écriture qui frappe et caresse
Baptiste Beaulieu écrit avec une tendresse qui n’efface rien de la dureté des faits. Il se raconte en utilisant le tutoiement, donnant l’impression d’un partage intime « du Baptiste sage au petit Baptiste ». Ses mots touchent parce qu’ils sont bruts et sincères, sans effet de manche, sans excès. Il parle des jours où l’on croit ne plus pouvoir avancer, mais où, malgré tout, on se relève. Il raconte aussi la force qu’il a trouvée dans l’amour.
C’est un livre qui bouscule, mais qui console aussi. Parce que Baptiste Beaulieu ne s’adresse pas uniquement aux personnes homosexuelles. Il tend la main à tous les invisibles, tous ceux qui ont appris à se faire petits pour ne pas déranger. Et il leur dit : parlez, soyez.
Dans un monde où les discours de haine trouvent encore trop facilement une tribune, Tous les silences ne font pas le même bruit est plus qu’un livre. C’est un cri. Pas celui de la colère, mais celui de l’espoir. Baptise Beaulieu nous rappelle que l’amour est politique, que vivre pleinement est un acte révolutionnaire.
Alors, qu’on soit une femme qui refuse de s’excuser d’être ambitieuse, une personne LGBTQIA+ qui revendique son droit à aimer, ou simplement un être humain en quête d’un monde plus juste, ce livre est un appel à l’action. À faire du bruit. À ne plus se taire.
À lire, à partager, à offrir et à diffuser le plus possible autour de vous.
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent