Êtes-vous une adepte du true crime, ce genre de documentaire dédié à la narration d’un meurtre, ou d’une affaire criminelle ? Originaires des États-Unis, la « criminalité réelle » ou les « histoires criminelles vraies » fascinent. Le documentaire Grégory, relatant le combat d’un jeune couple pour retrouver le meurtrier de leur petit garçon de 4 ans assassiné dans les Vosges, ou celui sur l’affaire Fourniret, meurtrier le plus tristement célèbre de France, diffusés sur Netflix, en sont des exemples. Mais dans ce genre de films, il n’est malheureusement pas rare de voir des mises en scène exagérées, voire même érotisées, de la souffrance de femmes victimes d’homicides et/ou de viols. D’où provient cet intérêt morbide pour le crime et l’érotisation de la mort des femmes ?
Le true crime, le genre narratif du « sensationnel »
Le true crime est ce que l’on pourrait appeler un genre « fourre-tout ». C’est un mélange de travail journalistique narrant avec exactitude les faits et de docufictions, contenant des éléments de narration propres à la fiction. Les premiers true crimes datent des années 1960, avec la sortie de De sang-froid, de Truman Capote, ou Crime de Meyer Levin. Le premier raconte l’histoire d’un quadruple homicide d’une famille du Kansas, commis par deux truands, sans mobile apparent. Le second relate l’enlèvement suivi de l’assassinat d’un adolescent par deux jeunes étudiants en droit voulant commettre « le crime parfait » pour prouver leur supériorité intellectuelle.
Désormais, le true crime semble peu à peu s’éloigner du film didactique, présentant des faits authentiques, pour tomber dans le sensationnalisme. À une histoire, déjà bien sordide, les productions viennent ajouter, ici et là, des éléments de fiction dont le but est d’accentuer le caractère horrifique du fait divers, afin de produire une vive impression sur le public.
Le fait divers a toujours suscité beaucoup d’intérêt ; cette appétence pour le crime et les meurtres est exploitée par les journaux, et ce depuis le XIXe siècle. Aujourd’hui, la multinationale américaine Netflix dispose même d’une rubrique dédiée, et produit des docu-fictions de true crime en série.
L’idéalisation de la figure du tueur en série
Aujourd’hui, le succès d’un true crime dépend du degré d’horreur de l’homicide. Plus c’est morbide, plus ça marche ! Alors, quels sont les ingrédients pour un true crime réussi ? D’abord, il faut que l’homicide soit violent et cruel. L’assassin doit être atypique, imprévisible, voir commettre des meurtres en série.
Ted Bundy, Charles Manson, Richard Ramirez, Jeffrey Dahmer, Charles Sobhraj. De nombreuses productions audiovisuelles leur ont été dédiées. Or ces meurtriers sont, à chaque fois, présentés comme des hommes… charismatiques. La figure du tueur en série est complètement idéalisée.
Avez-vous vu The Serpent la série produite par Netflix sur le criminel Charles Sobhraj ?
Incarné par Tahar Rahim, ce meurtrier franco-indien, surnommé « le serpent », est présenté comme un sex-symbol, intelligent, charmeur. Sauf qu’il aurait tout de même assassiné une trentaine de personnes, essentiellement des touristes qui parcouraient l’Asie, dans les années 1970. Les meurtres de douze d’entre elles ont été confirmés par les autorités judiciaires. Sobhraj incarne, pour tout producteur ou réalisateur, la figure parfaite du tueur en série : manipulateur, il parvient à faire de Marie-Andrée Leclerc, une touriste québécoise rencontrée en Inde, sa complice. Elle tombe folle amoureuse de lui, et le suit dans ses crimes. La recette du duo meurtrier se retrouve dans d’autres true crime, comme celui sur Michel Fourniret, qui tuait ses victimes à l’aide de son épouse, Monique Olivier.
Le true crime : l’érotisation de la mort des femmes
Dans un article publié dans Slate dédié au true crime, Sophie Benard revient en détail sur les contenus de ce genre documentaire, et écrit :
« Certaines expressions sont répétées dans toutes les histoires : “pull remonté au-dessus de la poitrine”, “jean baissé aux chevilles”, “jupe relevée”… Tout est fait pour que nous puissions visualiser les cadavres féminins; et il est rare que les descriptions de corps masculins soient aussi précises. »
Charles Sobhraj était aussi surnommé le « tueur bikini », parce que le premier meurtre qu’il aurait commis — on ignore s’il a tué d’autres personnes avant cela — était celui de Teresa Ann Knowlton, retrouvée morte, en maillot de bain, sur une plage en Thaïlande.
Par ailleurs, concernant les tueurs en série, sept victimes sur dix sont des femmes. Les viols, souvent associés aux assassinats, sont, dans le cas des true crimes, régulièrement accentués, pour renforcer une situation déjà inhumaine.
L’érotisation des corps féminins meurtris n’est pas propre aux true crimes. Dans ses Souvenirs de mon inexistence, Rebecca Solnit écrit que «dans les arts, la torture et la mort d’une femme ont toujours été représentées comme érotiques, excitantes, satisfaisantes, surtout pour une femme jeune et belle». Dans l’histoire de l’art en effet, de nombreuses œuvres picturales mettent en scène des viols ou des femmes victimes érotisées, comme c’est le cas dans L’enlèvement des Sabines, de Nicolas Poussin, ou Guernica de Picasso.
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
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